La route escarpée, qui traverse la vallée de la Vésubie (Alpes-Maritimes), serpente entre les montagnes. Elle longe des parois rocheuses qui se dressent à pic, passe sous des tunnels étroits et sombres. Dans la nuit du lundi 24 au mardi 25 juin, de violentes pluies ont causé d’importants dégâts dans le village de Saint-Martin-Vésubie, où Eric Ciotti a grandi. Les eaux sont brutalement montées, deux ponts ont été emportés. Un paysage désolé, à l’image de la droite qui a explosé, au lendemain de l’alliance électorale nouée de force par le président du parti Les Républicains (LR) avec le Rassemblement national (RN), contre l’avis de l’ensemble des barons de son parti. « Ça souffle fort », reconnaît l’intéressé devant Le Monde mercredi 26 juin, à l’arrière de la voiture qui le ramène à Nice, après une brève visite de soutien à son village natal.
Actant une « rupture historique », Eric Ciotti n’a pas d’états d’âme. Il assure même qu’il ne s’est jamais senti aussi bien, comme « libéré ». Après tant d’« acrobaties idéologiques » qui avaient fini par le « lasser », il est enfin « fidèle à [lui]-même ». « Les masques tombent », avait prédit Emmanuel Macron, le 12 juin. S’il a souvent changé de patron (Christian Estrosi, contre lequel il s’est retourné, François Fillon, Nicolas Sarkozy, puis à nouveau François Fillon…), l’ex-« M. Sécurité » de la droite a toujours défendu une ligne intransigeante en matière d’immigration et de sécurité, dans les pas de Charles Pasqua.
En 2021, alors qu’il concourait à la primaire de la droite, il avait multiplié les propositions-chocs, alignées sur celles du RN : suppression du droit du sol, « préférence nationale » sur l’emploi et le logement, création d’un « Guantanamo à la française »… Il n’hésite pas non plus à assumer la théorie xénophobe du « grand remplacement ». Depuis son accord avec le parti de Marine Le Pen, le président de LR, que les autres dirigeants du parti veulent démettre de ses fonctions, doit faire des compromis, notamment sur les retraites. Il relativise : une fois au pouvoir, croit-il, « un pragmatisme va s’installer ».
Militant du Rassemblement pour la République (RPR) depuis l’âge de 16 ans, le député des Alpes-Maritimes a souvent évoqué le souvenir d’un grand-oncle corrézien, ancien résistant devenu conseiller municipal de Saint-Martin-Vésubie, qui lui a transmis son admiration pour le général de Gaulle et Jacques Chirac. A l’heure d’annoncer son alliance avec l’extrême droite, mardi 11 juin sur TF1, Eric Ciotti n’a pas une pensée pour l’ancien président, qui affirmait que « l’extrémisme dégrade et salit l’honneur de la France », son testament. « Je n’ai jamais été chiraquien », avance-t-il, rappelant qu’à la présidentielle de 1995 il a soutenu Edouard Balladur, qui, trois ans plus tard, aux régionales de 1998, avait été tenté de nouer un accord avec le Front national de Jean-Marie Le Pen, sans y céder.
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