Le parquet de Montargis a annoncé, vendredi 21 juin, s’être saisi après avoir pris connaissance de « propos discriminatoires » dans un épisode de l’émission « Envoyé spécial » diffusé la veille. L’extrait du reportage, qui montre un couple blanc de sympathisants du Rassemblement national couvrir d’injures racistes leur voisine, une aide-soignante noire, a vivement fait réagir plusieurs membres du Nouveau Front populaire, certains incitant la victime à engager des poursuites.
« Les paroles et comportements constatés pouvant revêtir les qualifications pénales d’injures publiques et non publiques à caractère racial, provocation publique à la discrimination et violence sans incapacité à caractère racial, le parquet de Montargis s’est saisi de ces faits », explique le procureur de la République de Montargis, Jean-Cédric Gaux, dans un communiqué, qui précise que la peine maximale encourue pour ces délits va jusqu’à trois années d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. « Une des personnes susceptibles d’être mises en cause appartenant au tribunal judiciaire de Montargis », une requête a été déposée afin que l’enquête soit confiée à une autre juridiction, précise par ailleurs le procureur.
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a réagi à la séquence, samedi, en écrivant sur le réseau social X :« J’ai demandé aux chefs de la cour d’appel d’Orléans un rapport immédiat en vue de la suspension à titre conservatoire de la fonctionnaire du tribunal de Montargis pour ses propos absolument inadmissibles tenus dans cette vidéo. La haine n’aura jamais sa place dans nos tribunaux ».
« On est chez nous, va à la niche »
Dans l’extrait du reportage sur la campagne pour les élections législatives à Montargis (Loiret) diffusé sur les réseaux sociaux, Divine Kinkela, une aide-soignante qui dit vivre en France depuis trente ans, subit des injures de la part du couple habitant la maison voisine. Divine Kinkela raconte subir les cris de singe et des insultes comme « bonobo », avant que ses voisins, dont le jardin est orné d’une affiche et de casquettes de campagne du RN, ne profèrent des propos racistes devant les journalistes.
Interrogé alors qu’il vient de suivre Jordan Bardella lors d’un déplacement dans une ferme du Loiret, Didier (son nom de famille n’est pas précisé) accuse « les Mustapha, les tout-ce-que-vous-voulez » de « ne pas respecter les coutumes de la France ». Puis sa compagne, dont le visage est flouté, prend à partie l’aide-soignante qui sort de chez elle.
« Te voilà encore toi ? On t’a invitée ? Non ! Tu dégages ! J’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi », lance la femme. « On fait ce qu’on veut, on est chez nous. Va à la niche ! » Comme Divine Kinkela tente de répondre, sa voisine lui lance : « Renverse pas le problème, parce que c’est bien toi. Y a qu’à regarder juste ces trucs dégueulasses qu’elle a dans les cheveux », poursuit-elle, pointant les cheveux tressés de l’aide-soignante.
La gauche pointe le « racisme ordinaire »
Cette séquence a fait réagir plusieurs personnalités de gauche, notamment sur le réseau social X, où elle avait été vue plus de 3 millions de fois en douze heures. « “Va à la niche” le racisme ordinaire encouragé par la montée du RN. Divine est aide-soignante. C’est peut-être elle qui prendra soin de nous un jour. Alors non seulement elle est chez elle, mais : merci, Madame, de votre dignité », a écrit le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.
« Force à Divine », a réagi le porte-parole du Parti communiste, Ian Brossat. « Et dégoût profond face à ce racisme répugnant. Réveillons-nous. » La députée Ecologiste sortante Sandrine Rousseau a adressé un « énorme soutien [à] Divine. Nous sommes avec vous. Ils ne passeront pas », a-t-elle assuré.
Le député de l’Essonne Antoine Léaument (LFI) a rappelé que « le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit ». « Ces deux racistes font honte à notre drapeau. L’extrême droite détruit notre pays. Madame, vous pouvez porter plainte », a exhorté de son côté « l’insoumis » Damien Maudet.