« Est-il si malséant de s’interroger sur l’usage de l’article 16 de la Constitution en cas de blocage complet du pays ? »

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Dans ses colonnes du 7 décembre, Le Monde publie une tribune du professeur de droit public Olivier Beaud nous reprochant vivement d’avoir évoqué (« La France aura-t-elle un budget en 2025 », « Lextenso », Actu-Juridique.fr, 2 décembre 2024), parmi les scénarios envisageables pour conjurer le spectre d’une France sans budget, le recours aux pouvoirs exceptionnels dont notre Constitution dote le chef de l’Etat, lequel doit assurer le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics » (article 5).

Nous avons clairement présenté l’évocation du recours à l’article 16 de la Constitution comme une dernière extrémité et insisté sur le fait que cet article n’a pas été conçu pour pallier les conséquences de l’absence de budget au 1er janvier.

Nous nous permettons de renvoyer à notre article (hélas, prémonitoire), paru le 1er juillet dans la Revue politique et parlementaire, qui, explorant les diverses possibilités de résoudre les blocages, soulevait les questions que poserait son emploi. Ce qu’avaient à l’esprit les fondateurs de la Ve République, en rédigeant l’article 16, c’était une situation insurrectionnelle ou une agression ennemie paralysant le fonctionnement de l’appareil d’Etat. Le déclenchement de l’article 16 est soumis à deux conditions cumulatives :

– Les institutions de la République ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate ;

– le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu.

Des incidences directes et graves

La seconde condition serait remplie si les administrations de l’Etat étaient privées de crédits ou si l’impôt ne pouvait être perçu. La première le serait-elle, par exemple, du fait de l’interruption du financement des institutions européennes et de l’aide bilatérale ? La question peut au moins être posée.

Est-il interdit d’explorer toutes les pistes possibles pour surmonter une grave crise budgétaire, sur fond d’instabilité politique, comme vient de le faire, par exemple, le colloque de la faculté de droit et de la Société française de finances publiques, à Toulouse, les 5 et 6 décembre ?

Nous sommes en désaccord avec Olivier Beaud lorsqu’il affirme que l’absence de budget n’aurait pas pour effet, même « indirectement », de paralyser le fonctionnement de l’Etat. Nous maintenons que l’absence de tout texte budgétaire au 1er janvier, fût-il transitoire, aurait des incidences directes et graves sur le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

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