En décembre 2023, quand court la rumeur d’un remplacement d’Elisabeth Borne à Matignon, le conseiller de Marine Le Pen, Philippe Olivier, confie sa préférence : « Dans ces cas-là, il faut quelqu’un de très politique, consensuel et respecté. Le profil, c’est François Bayrou : il a de bons rapports avec tout le monde, il arriverait à manœuvrer. » Un an plus tard, l’extrême droite est exaucée : le centriste qu’elle déteste le moins est nommé chef du gouvernement, et elle promet de lui laisser sa chance. Peut-être même jusqu’à l’été 2025, quand des élections législatives pourront de nouveau être convoquées.
Après avoir participé (avec la gauche) à la chute du gouvernement de Michel Barnier, le 4 décembre, le Rassemblement national (RN) semble prêt à accorder un sursis à celui de M. Bayrou. « Il n’y aura pas de censure a priori », a affirmé le président du parti lepéniste, Jordan Bardella, vendredi 13 décembre, après l’annonce de la nomination du centriste à Matignon. « Nos lignes rouges demeurent, elles ne vont pas varier », a-t-il dit, en appelant le nouveau chef du gouvernement à les « prendre en considération ». « Pas de déremboursement des médicaments, ne pas fragiliser la situation économique et sociale des retraités », a-t-il rappelé.
A son tour, Mme Le Pen, cheffe de file des 124 députés RN, a appelé M. Bayrou à « entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi ». « Toute autre politique qui ne serait que le prolongement du macronisme, rejeté par deux fois dans les urnes, ne pourrait mener qu’à l’impasse et à l’échec », a-t-elle prévenu sur le réseau social X. « On a des choses symboliques à passer et je pense que François Bayrou est assez intelligent pour les prendre en compte, notamment la proportionnelle ou l’indexation des retraites », veut croire Philippe Olivier, convaincu que, avec le Béarnais, « le budget peut être adopté ».
« Vrai démocrate »
Dans les têtes lepénistes, on trouve toujours une forme de tendresse envers ce « paroissien tolérant », ancien adversaire de Mme Le Pen à la présidentielle de 2012. A l’époque, tous deux dénonçaient de concert l’« UMPS » – la contraction d’UMP (l’ancien nom du parti Les Républicains) et de PS (pour Parti socialiste) – dans l’espoir de se frayer un chemin vers le second tour. Tous deux font alors campagne sur la morale publique et la production française. L’un se veut un pont entre la droite et la gauche, l’autre, à l’inverse, ni de droite, ni de gauche. Les deux se neutraliseront.
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