immigration, TVA, ingérences… les multiples incohérences de Jordan Bardella

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Il voulait se présenter comme un homme prêt à exercer le pouvoir, mais Jordan Bardella a surtout affiché les failles importantes du programme du Rassemblement national (RN) et quelques-unes de ses contradictions, lors du débat organisé mardi 25 juin, sur TF1.

Durant près de deux heures, Jordan Bardella a été confronté au premier ministre Gabriel Attal, pour la coalition Ensemble, et à Manuel Bompard, pour le Nouveau Front populaire, à l’occasion d’un débat technique, qui a toutefois permis d’aborder le fond des projets et leur viabilité. M. Bardella a été souvent pris à défaut par ses adversaires sur le caractère simpliste des mesures du RN.

Durcir la politique migratoire, « calmement, par la loi » : des contre-vérités et des difficultés juridiques

« Je permettrai à la France de reprendre le contrôle de sa politique d’immigration. Ça se fera calmement, par la loi », a promis Jordan Bardella, listant une série de mesures telle que la suppression du droit du sol ou encore de l’aide médicale d’Etat, la couverture maladie destinée aux étrangers sans papiers dont bénéficiaient près de 470 000 personnes fin 2023.

Interrogé sur le risque que sa promesse de supprimer le droit du sol soit inconstitutionnelle, le candidat du RN a assuré que « le droit du sol a été supprimé à Mayotte ». Or, dans ce département français de l’océan Indien, le droit du sol a été restreint, mais pas supprimé en tant que tel. Un régime dérogatoire a, en effet, été instauré en 2018 par la loi Collomb, le premier texte sur l’immigration adopté sous la présidence d’Emmanuel Macron. Un enfant né sur l’archipel doit justifier qu’un de ses parents était en situation régulière depuis au moins trois mois avant sa naissance pour espérer devenir Français à sa majorité ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans. Jamais le Conseil constitutionnel n’a encore eu à se prononcer sur une suppression totale du droit du sol.

Le RN compte instaurer le droit du sol, prévu dans son programme, via des projets de loi « portant mesures d’urgence sur l’immigration », suivi d’un référendum permettant de réviser la Constitution. Or les récentes décisions du Conseil constitutionnel permettent de douter de la faisabilité de certaines de ces dispositions. En avril, il a rejeté un projet de loi référendaire sur l’immigration porté par des députés Les Républicains (LR), qui visait à faire adopter, par le vote des Français, certaines mesures qui avaient déjà été censurées dans le projet de loi immigration, comme le conditionnement de l’accès aux prestations sociales des étrangers à cinq ans de présence sur le territoire, ou la réforme de l’aide médicale d’Etat.

La préférence nationale établie via le critère de cinq ans de présence sur le territoire a été jugée contraire au préambule de la Constitution, qui garantit une politique de solidarité nationale envers les plus défavorisés, par le Conseil constitutionnel.

La baisse de la TVA sur le carburant, une option très restreinte en Europe

La baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est une mesure phare du programme de Jordan Bardella, qu’il a rappelée au début du débat, en citant les prix de l’électricité, du gaz et du carburant.

La directive européenne TVA de 2006 prévoit que le gaz naturel, le gaz urbain et l’électricité puissent bénéficier d’une remise de TVA. En revanche, comme le rappelle l’Agence France-Presse, le droit européen ne permet pas de descendre la TVA sur les carburants en dessous de 15 %.

Pour être mise en œuvre, cette promesse nécessiterait une révision à l’unanimité de la directive TVA, qui serait difficile à obtenir de la part du Parlement européen, tourné vers la promotion des énergies décarbonées. M. Bardella affirme pourtant que la Pologne l’a fait, ce qui n’est que partiellement vrai. La Pologne a obtenu une dérogation temporaire dans le cadre d’un plan anti-inflation, pour réduire la TVA sur le diesel et les carburants de 23 % à 8 % en 2022. Mais la mesure n’a été effective que cinq mois, et n’est plus en vigueur depuis le 31 juillet 2022, a omis de préciser le président du Rassemblement national.

Des mesures dispendieuses incompatibles avec la « paix fiscale »

M. Bardella s’est engagé à ne pas augmenter les impôts et à être le « premier ministre de la paix fiscale ». Entre la baisse de la TVA et la réforme des retraites, les mesures du RN grèveraient les comptes publics, lui ont rappelé ses adversaires.

Le Monde

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« La TVA sur les produits de l’énergie rapporte chaque année 23 milliards d’euros. M. Bardella propose de la passer de 20 % à 5,5 %. Ça veut dire qu’on divise la TVA par quatre, ça veut dire 6 milliards d’euros de gain », a déploré le premier ministre, Gabriel Attal. Son calcul correspond à une estimation du ministère des finances qui évoque un manque à gagner de 16,8 milliards d’euros si une telle baisse de TVA était décidée. De son côté, l’Institut Montaigne, un think tank libéral spécialisé dans le chiffrage des programmes, estime le coût de cette mesure à 11,3 milliards d’euros.

Toujours selon cet organisme, parmi les mesures proposées par les trois principales alliances, la plus coûteuse serait la désindexation des retraites sur l’inflation promise par le Rassemblement national, qu’il estime à 27,4 milliards d’euros.

Le RN n’est pas le seul parti auquel il est fait procès de porter un programme dispendieux. Le gel des prix des produits de première nécessité (24 milliards d’euros) et le passage du smic à 1 600 euros (19 milliards d’euros) , promis par le Nouveau Front populaire, entraîneraient également une hausse importante des besoins en recettes fiscales. Toutefois, contrairement au RN, la coalition de gauche envisage en contrepartie de modifier les tranches d’impôt sur les revenus pour taxer davantage les ménages les plus riches et les entreprises, afin de financer ses mesures.

La théorie fragile des comptes « maquillés »

Alors que le programme du Rassemblement national ne détaille pas de cadrage précis sur le financement de ses mesures, comme le lui ont reproché ses deux interlocuteurs, Jordan Bardella a accusé le gouvernement d’avoir « maquillé » les comptes publics, et promis un audit des finances publiques, semblant espérer y trouver de l’argent caché ou aisément récupérable. « Ligne à ligne, nous sommes convaincus que nous découvrirons les gisements qui nous permettront de mettre fin à la déraison budgétaire », avait-il assuré lors de la présentation de son programme.

Le président du RN n’est pas le premier à proposer ce type d’audit. Lionel Jospin s’y était déjà essayé en 1997, d’autres ont suivi, notamment en 2002 et 2012. Mais ils portaient sur l’appréciation du réalisme des prévisions économiques. Ces audits ont à chaque fois amené à découvrir que la situation financière était moins rassurante qu’escompté, et ont été suivis de mesures de redressement fiscal, souvent par des hausses d’impôts.

Qu’en serait-il en 2024 ? Les comptes de l’Etat sont déjà contrôlés par la Cour des comptes, qui, en mars dernier, épinglait les prévisions « optimistes » du gouvernement sur la croissance, l’inflation et les recettes fiscales, et jugeait la situation « préoccupante ». Si le RN lançait un audit des finances publiques, il est probable que cela aboutisse, non pas au financement miraculeux de ses promesses de campagne, mais au contraire, à plus d’austérité.

Les peines plancher, une mesure déjà testée, jugée peu efficace

Candidat du « big bang de l’autorité », le président du RN a plaidé pour un tour de vis envers les mineurs délinquants : « Il existe des peines maximales, il doit y avoir des peines minimales dans le droit français. »

Les peines plancher ont déjà été instaurées en France en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour lutter contre la récidive des majeurs et des mineurs, avant d’être supprimées en 2014 sous François Hollande, en raison de leur efficacité limitée et de leurs effets de bords.

Une étude de l’Institut des politiques publiques de 2024 observe que cette mesure très décriée n’a « pas eu d’effet dissuasif à court terme ». Les récidives ont diminué de 10 %, mais uniquement pour les mêmes délits ; le dispositif n’a pas empêché les personnes sanctionnées d’en commettre d’autres. En revanche, elle a contribué à accentuer la surpopulation carcérale.

Dans la pratique, les juges ont le plus souvent dérogé au dispositif, comme ils y sont autorisés, rappelle Libération. Il s’agissait de l’une des raisons ayant présidé à sa suppression.

Hostile aux ingérences, mais visé par une enquête

« Est-ce que vous pouvez dire aux Français qui nous regardent qui est madame Tamara Volokhova, oui ou non ? Est-ce que vous pouvez répondre à cette question, qui est Tamara Volokhova ? » Durant plusieurs minutes, Gabriel Attal a cuisiné Jordan Bardella sur une personnalité du RN méconnue du grand public, mais qui y exerce une fonction importante, a fortiori pour un parti qui assure vouloir lutter contre les ingérences étrangères, et veut écarter les binationaux des postes stratégiques.

Tamara Volokhova est une ancienne top-modèle franco-russe, devenue conseillère politique des eurodéputés RN. Elle a organisé ou participé à plusieurs déplacements d’élus du parti en Russie ou en Crimée annexée, rappelait Le Monde en 2022. Elle est depuis devenue attachée de presse puis conseillère technique du groupe RN au sein de la commission des affaires étrangères et fait partie des quatre membres du parti de Marine Le Pen auxquels la Direction générale de la sécurité intérieure s’est intéressée dans le cadre de ses liens avec la Russie, rapportait Mediapart, en 2023.

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