Emmanuel Macron n’avait pas terminé son discours annonçant la dissolution, dimanche 9 juin, que tombaient déjà les premiers SMS. « Tu peux prendre ma procuration ? » Au-delà du moment de civisme, on sous-estime l’émotion que peut charrier l’acte de donner ou de recevoir une procuration de vote. Un peu comme lorsqu’un formulaire vous demande d’inscrire le nom d’un contact à prévenir en cas d’urgence, faire une procuration est l’occasion d’établir une carte mentale des personnes dont on est proche. Et demander à quelqu’un de voter pour soi, c’est lui faire une déclaration de proximité. Les parents à qui leurs enfants confient ce mandat ont d’ailleurs souvent le cœur qui bat.
Une procuration, c’est aussi une opportunité de demander leur deuxième prénom à des gens qu’on croyait très bien connaître. Et, au rythme où changent les alliances et les ralliements, cela peut aussi réclamer de rentrer dans le détail des convictions politiques des membres de son entourage. Quant aux procurations accordées par l’intermédiaire des plates-formes de parti à un individu que l’on ne reverra jamais, elles offrent le frisson d’entrer dans l’intimité politique d’un inconnu, avec la vague culpabilité de s’être absenté quand lui est resté au poste.
A quoi on les reconnaît
Une fois le document rempli, ils se disent que ce n’était pas si compliqué et se sentent super citoyens, un peu comme la première fois qu’ils se sont fait vacciner contre le Covid-19. Quand ils ont vu qu’il fallait faire valider leur demande au commissariat ou en gendarmerie, ils ont cru qu’ils allaient devoir poser une RTT et ont été surpris que ça prenne cinq minutes. Dans la file d’attente, ils ont essayé de faire une analyse socio-démographique des gens qui attendaient avant et après eux pour deviner la tendance des votes par procuration.
Ils postent le message « procuration faite » sur les réseaux sociaux ou, mieux, partagent la capture d’écran de l’e-mail « votre demande de procuration a bien été prise en compte ».
Ils assurent que ça prend moins de temps qu’avant alors que c’est la première fois qu’ils entreprennent cette démarche. Ils disent qu’il ne faut pas donner sa procuration à des gens qu’on ne connaît pas avec la même gravité que les messages à la radio qui recommandent de ne jamais donner ses identifiants bancaires par téléphone.
Comment ils parlent
« Je ne m’attendais pas à ce que ça aille si vite avec l’administration. » « C’est ma petite pierre à l’édifice. » « Ça va être bizarre de voter Front populaire et RN en même temps ! » « Je fais une procuration exprès pour forcer ma mère à aller voter. » « Mon daron m’a appelé pour me demander si j’avais un deuxième prénom ! » « Je n’exclus pas de voter pour les deux puisque j’aurai une procuration. » « Je peux compter les personnes en qui j’ai confiance pour une procuration sur la moitié des doigts d’une main. » « Je viens de contacter mon ex pour une procuration, on ne peut pas dire que je ne me sacrifie pas pour la cause. » « Je suis entré dans un commissariat pour faire valider ma procuration pour la première fois depuis que je me suis fait enlever ma voiture par la fourrière ! » « Mon père m’a donné sa procuration pour la Fête des pères ! » « Mon père m’a dit “vote ce que tu veux, c’est ton avenir de toute façon…” » « Au moins, je suis sûr que son vote ira au bon parti. »
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