Après la dissolution stupéfiante de l’Assemblée nationale, chaque camp tente de jouer sur la peur de l’un ou l’autre bloc : la majorité présidentielle appelle à voter contre les extrêmes, la gauche appelle à voter contre l’extrême droite et secondairement la majorité présidentielle, le Rassemblement national appelle à voter contre le Nouveau Front populaire et secondairement la majorité présidentielle.
Le mode de scrutin bonapartiste des élections législatives explique en partie cette polarisation extrême de la vie politique française. Bien sûr, ce mode de scrutin a eu ses vertus dans le passé. Mais il est aujourd’hui à bout de souffle, car notre paysage politique n’est plus structuré par deux grands partis, l’un de sensibilité sociale-démocrate, l’autre d’obédience libérale ou conservatrice, récoltant chacun 35 % à 40 % des suffrages et au pouvoir par alternance, comme c’était le cas jusqu’en 2017.
En France comme ailleurs, l’heure est à la fragmentation de l’offre politique. Les allégeances des citoyens sont du reste plus fluctuantes – la science politique parlant à ce sujet de « volatilité électorale ». La rhétorique des « trois blocs », en plus de faire le jeu du populisme (qu’il s’agisse d’un populisme d’extrême droite, d’extrême gauche ou même du centre), ne reflète aucunement la réalité sociopolitique du pays.
Favoriser le bricolage électoral
Plus que trois blocs, il existe une dizaine de sensibilités politiques différentes dans le pays : la gauche radicale, l’écologie politique, la social-démocratie, le centre issu de la démocratie chrétienne, les libéraux, les conservateurs, les souverainistes de droite et les « nationaux populistes ». Sans oublier la sensibilité animaliste qui monte en puissance, et une sensibilité néoagrarienne qui émerge sous la bannière de la défense de la ruralité.
Chercher à faire entrer de force ces différentes sensibilités dans les trois blocs à cause du mode de scrutin des élections législatives, c’est enlever aux électeurs la faculté de faire un vote d’adhésion au premier tour, en les contraignant à un « vote utile » dicté par la peur. C’est accroître la polarisation et la conflictualité de la vie démocratique du pays. C’est détruire le peu de confiance qu’il reste dans le système politique. C’est favoriser le bricolage électoral au détriment des idées et des projets pour le pays. C’est faire imploser les partis modérés : le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts sont sommés de s’allier avec La France insoumise, quand Les Républicains est écartelé entre l’extrême droite et la majorité présidentielle, qui a déjà siphonné une partie de ses électeurs.
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