La dissolution de l’Assemblée nationale pose des enjeux bien plus considérables que ceux relatifs aux élections européennes qui viennent d’avoir lieu. Elle n’empêche pas d’examiner la situation et le rapport des forces actuel tel qu’il vient de se manifester. Mais il faut se souvenir que les européennes doivent être comparées aux autres scrutins européens et qu’elles préjugent d’autant moins des prochaines législatives que, outre les enjeux, le mode de scrutin est entièrement différent.
Voyons les élections européennes depuis quinze ans. Celles de 2009 avaient été marquées par un net recul des gauches, en France comme dans la plupart des pays de l’Union européenne. Pourtant, les listes de gauche regroupaient encore plus de 45 % des suffrages nationaux et faisaient élire 33 députés européens sur 72 (près de 46 % des sièges). En 2014 comme en 2019, le recul global des gauches était sévère : à peu près 34 % à chaque fois, en comptant large (trotskistes et régionalistes compris) : 23 députés sur 74, puis 25 sur 79, 26 avec le retour en 2022 de Pascal Durand dans un groupe de gauche, soit moins d’un tiers de l’effectif national.
En 2024, l’ensemble des gauches, en n’oubliant vraiment personne, plafonne autour de 32 % avec 27 eurodéputés (un élu de plus donc que dans le Parlement sortant, mais l’effectif du contingent national a augmenté de deux unités). Globalement, la gauche maintient à peu près ses positions, mais à un niveau toujours faible. Ce n’est pas désespérant, mais c’est un point de départ incontournable.
Les équilibres internes sont-ils bouleversés ? En apparence, et dans la réalité également, le résultat de la liste PS-Place publique emmenée par Raphaël Glucksmann (13,8 %) est bon, puisque en net progrès par rapport à 2019. Elle a plus que doublé son pourcentage en cinq ans. C’est le fruit d’une alliance bienvenue entre une personnalité un peu décalée par rapport à l’héritage socialiste traditionnel, avec son talent et sa force de conviction, mais sans rupture avec ce que la gauche socialiste conserve de positif dans la mémoire commune, même dans son présent d’élus, de politiques publiques considérées comme positives.
Abstention plus forte aux européennes
Il faut toutefois apporter de fortes nuances à ce constat. Il ne s’agit pas d’une inversion totale de ce que certains appellent « la gauche de gouvernement ». Simplement, cette fois, c’est la liste socialiste (et alliés) qui prend l’ascendant, obtenant un peu plus que celle des écologistes emmenée par Yannick Jadot en 2019, alors que le groupe écologiste de Marie Toussaint fait un peu moins que la liste Glucksmann de 2019… Le total des deux (légèrement moins de 20 %) demeure le même, tandis qu’en 2014 l’addition virtuelle des socialistes et des écologistes représentait le quart et, en 2009, le tiers de l’électorat.
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