Droit social. Les élections politiques suscitent régulièrement des litiges sur l’expression politique du salarié. A priori la question est simple : « Toute personne a droit à la liberté d’expression », nous indiquent tant l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Sauf, précise la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ainsi, la liberté d’expression du salarié peut avoir des limites, notamment sur le lieu de travail où s’exerce le pouvoir d’organisation et de discipline de l’employeur.
La première limite s’applique à l’employeur. L’article 1121-1 du code du travail précise qu’il « ne peut pas apporter des restrictions à la liberté d’expression qui ne seraient pas proportionnées au but recherché dans l’intérêt de l’entreprise et justifiées par la nature des tâches accomplies par le salarié ».
Si la loi « travail » du 8 août 2016 a permis d’introduire, dans le règlement intérieur, l’outil qui précise notamment les règles de discipline à l’entreprise, une clause de neutralité interdisant par exemple le port de tout signe politique, celle-ci n’est toutefois admise que pour les salariés qui sont en contact avec la clientèle (Cour de justice de l’Union européenne, grande chambre, 14 mars 2017, aff. C-157/15 et C-188/15 ; Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 13-19.855).
Pour le salarié, l’appréciation de l’abus de la liberté d’expression se fait au cas par cas. Dans un arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 4 mars 2011 (n° 09-6144), les juges ont admis le licenciement d’un salarié qui avait fait preuve d’un militantisme politique actif pendant ses heures de travail, dans un établissement pour personnes âgées. Il récoltait auprès d’elles des chèques au profit d’une association de collecte de fonds qui finançait la campagne électorale d’un homme politique. Les litiges sur le prosélytisme politique reposant sur la liberté d’expression restent pourtant rares.
Droit au respect de la vie privée
Dans une affaire plus récente, un employeur avait prononcé une sanction au motif « qu’est fautif le salarié ayant des agissements de prosélytisme politique vis-à-vis de subordonnés, dans un cadre non dépourvu de tout lien avec la vie de l’entreprise ».
Cette motivation a été jugée insuffisante par une cour d’appel, approuvée en cela par la Cour de cassation (Cass. Soc. 29 mai 2024, 22-14.779). En l’espèce, les documents politiques en cause avaient été remis par le salarié sanctionné à un salarié hors de l’enceinte de l’entreprise et, d’autre part, la remise du programme politique litigieux à une autre salariée était intervenue à l’issue d’une remise de trophées de l’entreprise à laquelle tous deux participaient, mais en dehors du temps et du lieu de travail.
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