Le projet de loi d’orientation agricole a été adopté par les députés, mardi 28 mai, en première lecture à l’Assemblée nationale. Le texte a l’ambition d’aider au renouvellement des générations d’agriculteurs, mais il est vivement critiqué par les oppositions, qui dénoncent un manque de réponses structurelles à la crise ou des renoncements environnementaux.
Réécrit après la mobilisation d’une partie de la profession, le projet de loi propose des mesures sur la formation, avec un guichet unique départemental censé favoriser les installations et transmissions d’exploitations. Il entend aussi accélérer les procédures de contentieux en cas de recours contre des stockages d’eau ou des bâtiments d’élevage, en dépit des alertes du Conseil d’Etat sur des « risques d’inconstitutionnalité ». Il pose un certain nombre d’objectifs non contraignants pour l’agriculture française, comme celui de viser 400 000 exploitations et 500 000 agriculteurs d’ici 2035, ou la nécessité d’une réforme fiscale agricole d’ici 2025.
La mesure-phare du texte, saluée par la FNSEA, principale organisation professionnelle, confère à l’agriculture un caractère d’« intérêt général majeur », concrétisant une promesse d’Emmanuel Macron faite dans un salon de l’agriculture fortement agité. Une forme d’appel aux juges administratifs à faciliter certains projets de retenues d’eau ou de bâtiments d’élevage, mis en balance avec un enjeu environnemental. Des juristes et des députés sont pourtant circonspects à ce sujet et jugent que la protection de l’environnement, ayant une valeur constitutionnelle, prévaudra sur ce principe inscrit dans une loi simple.
« Justice économique » et « justice environnementale »
Le projet de loi « n’est pas à la mesure de la crise structurelle », estimait avant le vote le député de l’Aisne Julien Dive, chargé de texte pour le groupe Les Républicains. Mais « c’est un texte d’installation [de nouveaux agriculteurs] qui peut être utile pour les jeunes générations », jugeait le député, qui proposait à ses collègues de voter pour ou s’abstenir afin que le Sénat dominé par la droite et le centre puisse s’en emparer. « Tout ça est dérisoire au regard de l’enjeu », estimait de son côté Grégoire de Fournas (Rassemblement national, Gironde). « Si on vote contre, ce sera pour dénoncer l’opération de communication du gouvernement », faisait-il savoir.
Des procès que balaie l’exécutif, qui renvoie à l’automne les discussions sur le revenu agricole et la fiscalité des produits phytosanitaires, avec un texte spécifique sur les pesticides. « On ne peut pas tout régler dans une loi d’orientation », a répliqué le rapporteur général, Eric Girardin (Renaissance, Marne), qui estime que « la feuille de route [est] remplie sur la reconnaissance de l’agriculture dans la souveraineté alimentaire et sur les mesures de simplification ».
La gauche est en revanche vent debout contre un article qui révise l’échelle des peines en cas d’atteinte à l’environnement et « réserve la qualification de délit » aux atteintes « de manière intentionnelle ». « Non seulement on inverse la charge de la preuve mais en plus ça ne concerne pas que les atteintes à l’environnement par des agriculteurs », juge Dominique Potier (Parti socialiste, Meurthe-et-Moselle). Il « délivre un permis de détruire la nature et d’impunité générale », a tancé l’écologiste Delphine Batho (Deux-Sèvres), l’« insoumise » Aurélie Trouvé (Seine-Saint-Denis) évoquant « la première grande régression agro-environnementale de ces trente dernières années ».
« Si vous restez au statu quo, vous avez des gens qui, pour des délits non intentionnels, sont menacés de trois ans d’emprisonnement ou 150 000 euros d’amende », a justifié Marc Fesneau, le ministre de l’agriculture. « Les paysans demandent de la justice économique, pas d’être mis en dehors de la justice environnementale », rétorque M. Potier.
La Confédération paysanne avait appelé à voter contre le texte, n’y trouvant « aucune orientation sur les leviers essentiels » du revenu et du foncier. La Fondation pour la nature et l’homme l’accuse d’« hypothéquer notre avenir au bénéfice d’une minorité d’agriculteurs ». A l’inverse, les interprofessions du porc, des volailles et des œufs estiment que l’exécutif devrait aller plus loin, notamment contre les « surtranspositions » de règles européennes.