Nous, professionnels des soins palliatifs engagés dans leur enseignement en France et investis dans la recherche, sommes ébranlés par le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades en fin de vie, et particulièrement par la proposition de rebaptiser les soins palliatifs « soins d’accompagnement ». Ce qui pourrait apparaître comme une évolution sémantique mineure a, au contraire, des implications préoccupantes pour le développement des soins palliatifs et la prise en charge des patients.
Les soins palliatifs, largement développés à l’échelle mondiale, sont définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « une approche pluridisciplinaire visant à améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches confrontés à une maladie grave. Ils visent à prévenir et soulager la souffrance physique, psychosociale ou existentielle, à fournir des soins en accord avec les préférences des patients et à anticiper les situations de crise et d’urgence, parfois dès le diagnostic d’une maladie grave ». La médecine palliative ne peut pas se réduire, comme le laisse entendre le projet de loi, à une simple « prise en charge médicale de la douleur en fin de vie ».
L’accompagnement est une notion polysémique, utilisée dans divers domaines tels que l’éducation, la justice et le management. Elle évoque une présence auprès de l’autre, une attention à la personne, une écoute sans jugement, sans intention spécifique autre que celle d’apporter un soutien humain. La posture d’accompagnement, qui fait partie de notre approche, comme dans d’autres disciplines, se distingue du soin.
En effet, ce dernier implique une démarche active, avec une intention de répondre aux besoins de la personne. Cela nécessite des compétences techniques, relationnelles et éthiques acquises au sein de formations diplômantes et évaluables selon des critères de qualité connus et publiés. Le soignant engage sa responsabilité et met ses connaissances au service du patient, dans un processus de décision partagée.
La proposition de dénomination « soins d’accompagnement » avancée par le professeur Franck Chauvin et présentée à la ministre de la santé le 11 décembre 2023, entraîne une confusion déplorable. Elle ne résulte ni de notre initiative ni de données scientifiques, et n’est utilisée dans aucun autre pays.
La mise en œuvre du projet de loi, actuellement en discussion, nécessite un investissement financier significatif de la part de l’Etat. Ce financement va dans le sens des recommandations de la convention citoyenne de la fin de vie, en 2023, qui prônent le développement de l’offre de soins palliatifs. La redéfinition des « soins d’accompagnement » ouvrirait la porte à des dérives qui incluraient dans ce financement des initiatives n’ayant aucun lien avec les soins palliatifs.
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