Lorsque le président de la République a glissé, jeudi 23 mai, lors de sa visite éclair en Nouvelle-Calédonie, au cours d’un échange à huis clos avec des personnalités néo-calédoniennes, qu’il pourrait « aller au référendum » sur le dégel du corps électoral, « puisqu’il y a un vote conforme des deux assemblées », des élus incrédules n’ont pu s’empêcher de s’esclaffer dans la résidence du haut-commissaire de la République. Ils ont cru à l’une de ces provocations dont ce chef de l’Etat à l’imagination fertile est coutumier. Alors quand ils ont lu cette même proposition sur le site du Parisien samedi 25 mai, les mêmes sont tombés de leur chaise. Pour sortir de la crise, Emmanuel Macron menaçait bel et bien de mettre l’avenir des Calédoniens entre les mains des Français.
Philippe Gomès, président de Calédonie ensemble (fraction modérée des anti-indépendantistes), confesse dans un communiqué ce dimanche un « moment de stupeur » à la lecture de l’article du Parisien. « Coincé par un pays en situation insurrectionnelle que nous lui avions annoncée de longue date, coincé par un Parlement qui, de LFI [La France insoumise] au RN [Rassemblement national] en passant par le président LR [Les Républicains] du Sénat et la présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, a dit qu’il ne voterait pas cette réforme, le président envisagerait une ultime échappatoire… un référendum national. Cette perspective est un non-sens », assène l’ancien député de Nouvelle-Calédonie.
Un non-sens historique, car on demanderait aux Français de trancher la question du corps électoral calédonien en dehors de tout consensus local, et à rebours de l’esprit des accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) : le peuple calédonien déciderait s’il accède ou pas à l’indépendance, mais le peuple français déciderait du corps électoral calédonien.
Un non-sens politique, car il y aurait de fortes chances pour que les Français, fort éloignés des enjeux mélanésiens, s’expriment pour ou contre Emmanuel Macron. Or, « en l’état actuel de la cote de popularité présidentielle, et du probable résultat cataclysmique de la liste présidentielle aux européennes, on peut s’attendre à un non massif à la question posée », pronostique Philippe Gomès. « Si j’étais un indépendantiste kanak, je dirais “chiche” au président, car seuls iraient voter ceux qui veulent sanctionner le président », sourit Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les outre-mer lors de la négociation des accords de Matignon, qui juge la proposition « ahurissante ». L’ancien premier ministre Manuel Valls dénonce quant à lui, dans un communiqué, « une faute politique et historique ! »
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