« La restriction de TikTok en Nouvelle-Calédonie ne peut être qualifiée ni de nécessaire ni de proportionnée »

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En juillet 2023, l’exécutif français avait évoqué la possibilité de couper les réseaux sociaux en France métropolitaine après les émeutes déclenchées par la mort de Nahel M.. Aujourd’hui, cette possibilité est devenue une réalité : la plate-forme TikTok a été bloquée en Nouvelle-Calédonie, pays d’outre-mer français qui est le théâtre d’émeutes violentes à la suite du vote par l’Assemblée nationale, le 15 mai, d’une révision constitutionnelle visant à élargir le corps électoral sur l’archipel, en incluant tous les citoyens qui résident sur le territoire depuis dix ans. Ce projet est hautement contesté par les indépendantistes kanak, lesquels craignent que cette loi dilue la représentation des populations autochtones.

L’annonce de la restriction de la plate-forme est arrivée le 15 mai par le biais du premier ministre, Gabriel Attal, qui avait informé que Louis Le Franc, haut-commissaire sur le territoire de Nouvelle-Calédonie, avait « interdit Tiktok » sur l’île. Au moment de l’annonce, les raisons n’ont pas été précisées, mais l’AFP note que la mesure viserait à « limiter les contacts entre les émeutiers ». Si les coupures d’Internet sont assez répandues dans des pays considérés comme non démocratiques, il s’agit d’une mesure inédite en France. Mais s’agit-il d’une mesure légitime ? S’agit-il d’une mesure légale ? Pourquoi TikTok est-il visé ?

Cette mesure est justifiée par le gouvernement français sur la base de la loi relative à l’état d’urgence de 1955, actualisée en 2015. Cette loi permet au ministre de l’intérieur, lors d’un état d’urgence déclaré, de « prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ».

Régime juridique exceptionnel

En l’occurrence, l’état d’urgence permet au gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles et de limiter l’exercice de certains droits et libertés fondamentaux pour gérer une situation particulièrement grave. Il s’agit donc d’un régime juridique exceptionnel qui permet aussi que des mesures soient mises en place plus rapidement qu’à l’ordinaire. Sur le papier, donc, cette mesure pourrait sembler légitime et légale.

Certains commentateurs suggèrent que si, en France métropolitaine, la question relèverait du droit européen, ce qui rendrait la mise en place d’une telle mesure plus contraignante, la spécificité du cadre juridique néo-calédonien rendrait la tâche plus simple : le pays n’ayant qu’un seul opérateur, bloquer l’accès aux serveurs n’est soumis ni au scrutin de l’Union européenne ni aux difficultés liées à la coordination de plusieurs entreprises. Néanmoins, il semblerait que le cadre du droit international des droits humains passe souvent aux oubliettes.

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