C’est toujours la même méthode. Sur la Nouvelle-Calédonie comme sur d’autres sujets, Emmanuel Macron, pressé depuis quelques mois d’« avancer », a adopté un modus operandi qui lui est propre pour faire voter la modification du corps électoral, contestée par les indépendantistes : donner un temps de négociation aux loyalistes et indépendantistes ; leur fixer une date butoir pour conclure un accord, « avant la fin juin » ; en l’absence d’accord dans ce délai, se réapproprier le sujet pour trancher. « Passer en force », dénoncent de nombreux experts de la Nouvelle-Calédonie.
Ces derniers ont alerté depuis plusieurs mois le chef de l’Etat, lui demandant de « donner du temps au temps », en raison du climat éruptif qui règne sur l’archipel depuis le troisième référendum sur l’indépendance, organisé en décembre 2021. En vain. De même qu’il a refusé à l’époque de reporter ce référendum comme le lui réclamaient une partie des indépendantistes, Emmanuel Macron refuse désormais d’accorder un nouveau délai pour le vote du projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral sur le Caillou.
Officiellement en raison des prochaines élections provinciales, qui peuvent pourtant attendre l’automne 2025. Officieusement à cause des Jeux olympiques… « La Nouvelle-Calédonie est une terre où il faut faire les choses lentement, ne pas entrer dans des phases subites d’accélération, observe Dominique Bussereau, ancien président de la mission parlementaire sur la Nouvelle-Calédonie. Il y a eu ces derniers temps une accélération qui aurait pu attendre l’automne. »
« Négocier avec un pistolet sur la tempe »
« Le chantage au calendrier, c’est quelque chose qui n’a jamais marché » en Nouvelle-Calédonie, approuve Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les outre-mer lors de la négociation des accords de Matignon sur l’archipel en 1988. « Les non-indépendantistes, qui ont obtenu ce qu’ils voulaient avec le “dégel” du corps électoral, quel intérêt ont-ils à aboutir à un accord ? Aucun ! Et pour les indépendantistes, ça s’appelle négocier avec un pistolet sur la tempe. Ce n’est pas une méthode ! », dénonce l’expert à la Fondation Jean Jaurès.
Emmanuel Macron recourt régulièrement à cette stratégie de l’ultimatum. Durant l’examen du projet de loi « immigration », qui a fait l’objet d’une motion de rejet à l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat décide, le 12 décembre 2023, d’un renvoi du texte en commission mixte paritaire (CMP), de préférence à une nouvelle lecture dans chacune des deux chambres, au motif que le texte doit aboutir « avant Noël ». Une façon de contraindre sa propre majorité, profondément divisée.
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