La majorité présidentielle a eu beau s’y opposer, l’Assemblée nationale a adopté, jeudi 4 avril au soir, en première lecture, une proposition de loi écologiste établissant des prix planchers pour les agriculteurs. Le texte de la députée (Europe Ecologie-Les Verts, EELV) de la Drôme Marie Pochon a été approuvé par 89 voix, venues de la gauche, contre 66.
Pour « garantir un revenu digne aux agriculteurs », la proposition prévoit un prix minimal d’achat fixé par « une conférence publique » dans les filières qui le souhaitent, ou sur décision du gouvernement en cas de désaccord. Les prix, ainsi déterminés, doivent permettre de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le smic, le prix minimal pouvant être revu tous les quatre mois.
Le Rassemblement national (RN) s’est abstenu. Le député RN Grégoire de Fournas, qui a assuré avoir « toujours été pour des prix planchers », a dit regretter l’absence dans le texte de « dispositifs pour encadrer les marges » au risque de nourrir « l’inflation alimentaire ». Le groupe Les Républicains (LR) a, lui, été quasi absent du débat, mais le député Pierre Cordier a marqué son désaccord avec le texte.
La proposition de loi reprend une mesure proposée par La France insoumise et rejetée de peu dans l’hémicycle en novembre. Elle fait surtout écho aux propos du président de la République, Emmanuel Macron, qui avait fixé un objectif de « prix planchers » lors de sa visite houleuse du Salon de l’agriculture en février.
Un dispositif pourtant « annoncé par le président de la République »
Tout en considérant que le gouvernement « partage pleinement [la] préoccupation » de la députée écologiste Marie Pochon quant au revenu des agriculteurs, la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture, Agnès Pannier-Runacher, a jugé le dispositif choisi « inopérant ». Ce n’est pas le gouvernement qui « peut déterminer le prix pour un secteur économique », a-t-elle assuré. « L’instauration d’un prix minimal qui, par définition, ne s’appliquerait qu’à la production nationale pourrait favoriser les produits importés au détriment de nos agriculteurs », a également déclaré Mme Pannier-Runacher.
Au cours des débats, qui se sont étirés, la majorité a parfois donné l’impression de jouer la montre pour éviter d’aller jusqu’au vote de la loi. « Ils sont gênés sur un dispositif annoncé par le président de la République », a analysé Mme Pochon lors de la pause dînatoire.
Le député MoDem Bruno Millienne a particulièrement échauffé les esprits, en accusant les écologistes de « vouloir [se] racheter une conscience, après avoir fait chier les agriculteurs pendant des décennies, mais ça ne marche pas ».
« Oui, nous sommes écologistes, nous sommes fiers et nous sommes au côté des agriculteurs. La réalité, c’est que vous n’assumez pas votre vote » (contre les prix planchers), a réagi la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain.