Le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie, une première qui pose question dans un état de droit

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C’est une première en France comme en Europe : le blocage d’un des principaux réseaux sociaux sur le territoire national. TikTok est inaccessible en Nouvelle-Calédonie depuis plus d’une semaine, consécutivement à une décision du gouvernement qui accuse la plateforme, très populaire auprès des jeunes en Nouvelle-Calédonie comme en métropole, d’avoir contribué à « la propagation des troubles insurrectionnels à l’ordre public ». Jeudi 23 mai, le Conseil d’Etat a rejeté une demande de suspension du blocage, déposée par plusieurs associations de défense des libertés publiques, dont la Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net, l’association Mouvement Kanak et trois particuliers. Mais cette première victoire juridique pour le gouvernement n’a pas tranché plusieurs questions fondamentales.

Sur le fond, d’abord : le Conseil d’Etat, juridiction administrative, ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé de la mesure, mais a estimé que les organisations contestant le blocage n’avaient pas apporté la preuve d’une violation flagrante des droits des habitants de Nouvelle-Calédonie, qui justifierait une suspension en urgence de l’interdiction. Or, c’est aussi la motivation du blocage qui est vivement contestée par les mouvements kanak et de défense des libertés : ils estiment que le gouvernement n’a pas apporté la preuve que TikTok aurait joué un rôle dans la flambée de violences.

Si des vidéos d’incendies, ou prétendant montrer des tirs de loyalistes ou des forces de l’ordre visant de jeunes kanak, ont bien été diffusées sur TikTok, leur nombre était limité, tout comme leur audience. Des contenus similaires ont été largement diffusés sur d’autres réseaux sociaux, dont X (ex-Twitter) et Facebook. Viginum, le service de l’Etat chargé de la lutte contre les ingérences étrangères, notait d’ailleurs que c’est sur ces deux plateformes que s’est concentrée une opération de désinformation, menée depuis l’Azerbaïdjan, visant à envenimer la situation en Nouvelle-Calédonie. Ni X, ni Facebook n’ont pourtant été bloqués.

Blocage sans concertation ou demande

Des questions de forme se posent également. A l’été 2023, dans le contexte des émeutes qui avaient touché de nombreuses villes de France après la mort de Nahel, Emmanuel Macron avait émis l’idée de mettre le gouvernement « en citation de [pouvoir] réguler ou couper » les réseaux sociaux, « quand les choses s’emballent ». TikTok, mais surtout Snapchat, avaient été accusés à l’époque par le gouvernement d’avoir contribué à alimenter les violences, notamment par le biais de la fonction « Snap Map » qui permet de voir, quasiment en temps réel, les endroits d’où un grand nombre de vidéos publiques ont été mises en ligne par des utilisateurs. Rien n’indiquait, à l’époque ou depuis, que cette fonction ait joué un rôle important dans les flambées de violences ; l’entreprise avait annoncé avoir mis en place une surveillance renforcée de la Snap Map et accru sa une modération. Snapchat avait également été invitée à des rencontres avec les ministres de l’intérieur et du numérique, aux côtés d’autres réseaux sociaux, pour discuter des mesures à prendre.

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