Antoine Bristielle est directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean Jaurès. Professeur agrégé de sciences sociales, docteur en science politique, il est notamment l’auteur de La Démocratie bousculée (L’Aube, 2023) et directeur de l’ouvrage Que veulent les Français ? (L’Aube, 2022).
Alors que aux élections européennes de 2019, la liste macroniste, menée par Nathalie Loiseau, réalisait un score de 22,5 %, elle est aujourd’hui tombée à 14,6 % avec Valérie Hayer. Que s’est-il passé ?
A la présidentielle de 2022, l’érosion du camp Macron restait limitée. Le président sortant arrivait en tête au premier tour, avec 28 % des voix. Aux européennes du 9 juin, le bloc macroniste s’est effondré. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, il y a eu une démobilisation : une partie de son électorat s’est abstenue [36 %]. Certes, l’intérêt global pour les élections européennes est faible, chez les votants de tous les partis. Mais pour l’électorat macroniste, c’est plus surprenant : ce sont des catégories sociales plus aisées, plutôt âgées, moins abstentionnistes que le reste de la population.
Autre grande évolution : on constate un rétrécissement de l’électorat macroniste. Si le centre droit est assez fidèle, les switchers viennent surtout du centre gauche. Environ 30 % des électeurs de Raphaël Glucksmann avaient voté Emmanuel Macron au premier tour en 2022.
Qu’est-ce qui motive les électeurs infidèles ?
Il y a une vraie lassitude au sein de l’électorat. A cela s’ajoute l’idée que le macronisme ne survivra pas à Emmanuel Macron. Et puis, pour l’électorat de centre gauche, la droitisation du gouvernement depuis le début du deuxième quinquennat fait figure de repoussoir. En 2022, une partie de la gauche continuait à voter pour le camp présidentiel. En 2024, ce n’est plus le cas.
Les enjeux internationaux n’expliquent aucunement ce switch – alors qu’ils sont au cœur du switch Mélenchon-Glucksmann. Clairement, ce sont les enjeux nationaux qui ont joué. A âge, genre, niveau de revenu et niveau de diplôme équivalents, s’opposer à la réforme des retraites augmente de 120 % la probabilité de passer de Macron à Glucksmann entre 2022 et 2024. Soutenir le mouvement féministe, de 52 %. Etre favorable à l’immigration, de 14 %. Soutenir l’écologie, de 16 %.
Or, c’est surtout récemment, depuis 2022, qu’Emmmanuel Macron a crispé sur ces sujets. Avec la réforme des retraites en 2023, la loi « immigration » [promulguée le 26 janvier], les affrontements à Sainte-Soline [Deux-Sèvres], et dernièrement le soutien à Gérard Depardieu, cet « immense acteur » qui « rend fière la France »…
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