L’effet le plus visible de la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin par Emmanuel Macron est d’avoir abouti à dissoudre le macronisme, ce mouvement politique né sur les décombres de la droite et de la gauche. La sidération qui a saisi les députés de la majorité après l’annonce présidentielle s’est muée en colère lorsqu’ils ont compris que la campagne, conçue comme une guerre éclair, n’avait pas été anticipée, qu’ils ne disposaient d’aucun matériel de campagne et que le parti leur serait de peu de secours pour tenter de sauver leur circonscription par vent contraire.
La rupture a été véritablement actée lorsque les chefs des principales composantes de la majorité ont publiquement cessé de faire allégeance au chef de l’Etat. Tour à tour, François Bayrou (MoDem), Gabriel Attal (Renaissance), Edouard Philippe (Horizons) ont coupé le nœud en adoptant des postures plus ou moins radicales : le premier, volontairement modéré, a marqué sa volonté de « démacroniser » la campagne ; le second, transgressif, s’est érigé en sauveur potentiel d’un camp en perdition avant de demander aux Français de le choisir comme premier ministre si d’aventure il parvenait à redresser la barre. Le troisième, plus agressif, a accusé Emmanuel Macron d’avoir « tué la majorité présidentielle ». D’un coup, toutes les faiblesses d’une aventure politique organisée par et pour un homme se sont retournées contre lui.
Le macronisme est mort de l’incapacité du parti présidentiel à s’autonomiser de celui qui l’avait créé pour structurer une offre, poser des limites, faire vivre le débat. Au gré de la dérive droitière du second quinquennat, le « dépassement » a fini par devenir une coquille vide. Pas au point cependant de réduire à néant l’espace central, contrairement à ce qu’escomptaient les chefs de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, et de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon : dès la dissolution prononcée, ils ont cherché en vain à réimposer le clivage gauche-droite façonné à leur main. La première en tentant une imparfaite OPA sur le parti Les Républicains (LR), le second en essayant de renouveler de façon moins performante qu’en 2022 l’aventure de la Nupes sous les couleurs du Nouveau Front populaire. Au bout du compte, le paysage politique reste toujours structuré en trois blocs : un centre flanqué de deux extrêmes, mais le premier, qui dominait jusqu’à présent tant bien que mal les deux autres, apparaît aujourd’hui en grande difficulté.
Electorat de gauche déboussolé
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