Il y a les personnages, et le décor. Pour les personnages, plusieurs dizaines de jeunes femmes filmées en pleins préparatifs, samedi 23 novembre 2024, avant de se rendre à la manifestation organisée ce jour-là, à Paris, contre les violences faites aux femmes. Pour le décor, d’abord l’intérieur d’une maison cossue – belle hauteur sous plafond, avec moulures et cheminée –, puis un jardin bien entretenu, entouré d’arbres et de haies. Quelques éléments étonnent toutefois : après avoir écrit leurs slogans sur des pancartes, certaines jeunes femmes se masquent le visage, ou bien se griment à l’aide de perruques blondes. En arrière-fond, on aperçoit également une statuette équestre de Jeanne d’Arc, ainsi qu’un drapeau français monté sur une hampe, comme on en trouve lors des déclarations officielles.
Les personnages sont en vérité les militantes du collectif Némésis, qui s’est longtemps revendiqué du « féminisme identitaire » mais préfère maintenant l’étiquette de « féminisme de droite ». Leur credo : attribuer inlassablement aux immigrés la responsabilité des violences sexuelles en France, tout en dénonçant une prétendue hypocrisie des féministes mainstream sur le sujet. Le décor est en vérité celui du Pavillon de l’écuyer, niché en banlieue parisienne sur les hauteurs de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), plus connu du grand public sous le nom de domaine de Montretout et fief historique de la famille Le Pen, à commencer par son patriarche, Jean-Marie Le Pen.
Les images sont celles d’un reportage du média d’extrême droite Frontières (anciennement Livre noir), qui a pourtant cherché à en cacher la localisation exacte. Un « lieu de préparation » « proche de Paris », voilà ce qui est dit du point de départ des militantes. Elles s’apprêtaient en vérité à effectuer un happening comme elles en ont l’habitude : « s’infiltrer » dans la manifestation #noustoutes pour y scander leurs propres slogans : « Perpétuité pour les violeurs », mais aussi « Maîtrisons l’immigration », « Violeurs étrangers dans l’avion », « Application des OQTF »… Ce jour-là, elles ont finalement été interceptées en chemin par les forces de l’ordre, qui leur ont permis de défiler à l’écart, encadrées par un important cordon policier.
Contactée par Le Monde, Alice Cordier, la directrice du collectif Némésis, explique tout ignorer du lieu de préparation de cette opération comme de ses propriétaires. « C’est une propriété privée que nous avons obtenue grâce à une de nos militantes, mais je ne sais pas où nous étions, explique la cheffe de Némésis. Je ne connais pas la famille Le Pen et je ne sais pas si elle est propriétaire de cet endroit ; mais, si c’est le cas, je l’en remercie. » Difficile pourtant de douter des liens entre le manoir et ses détenteurs, un immense portrait de Jean-Marie Le Pen en tenue de corsaire accueillant habituellement le visiteur dès le salon de réception de la demeure. Un proche de l’ancien président du Front national confirme au Monde que les images ont été tournées à Montretout, « sans doute possible ».
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