« Le recours au motif de la trahison est une constante dans l’histoire de la gauche française »

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Le 6 décembre, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a appelé publiquement à des « concessions réciproques » entre députés socialistes et macronistes afin d’éviter un blocage institutionnel consécutif à la censure du gouvernement Barnier. Invitée à réagir, la députée européenne « insoumise » Manon Aubry a vertement regretté la « trahison » des millions d’électeurs ayant voté « avec enthousiasme et espoir » pour le Nouveau Front populaire.

De la dénonciation du « social-traître » par le Parti communiste (PCF), au tournant des années 1930, à l’accusation de « parti de l’étranger ne se situant ni à gauche ni à droite mais à l’Est » proférée par la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) – ancêtre du PS, fondée en 1905 – au cœur de la guerre froide, le recours à ce motif est une constante dans l’histoire de la gauche française.

Sa récurrence est toutefois inversement proportionnelle à sa valeur explicative. Ce qui se joue réellement derrière les procès en place publique, c’est l’existence, à gauche, depuis au moins la fin du XIXsiècle, de rapports différents et concurrents au pouvoir et à son exercice.

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Avant les années 1980, rares sont les socialistes heureux aux responsabilités. Telle une épée de Damoclès, le soupçon de trahison de la classe ouvrière pèse sur tous ceux qui s’y risquent. De grandes figures sont marginalisées à la suite de leur participation à des gouvernements de coalition. Après avoir siégé au côté du général Gaston de Galliffet – surnommé le « Massacreur de la Commune de Paris » dans le gouvernement de défense républicaine de Pierre Waldeck-Rousseau (1899-1902) au moment de l’affaire Dreyfus, l’avocat Alexandre Millerand, futur président de la République (1920-1924), s’éloigne très vite du mouvement socialiste.

Au sortir de la première guerre mondiale, Albert Thomas, responsable politique et intellectuel de premier plan d’un courant réformiste dynamique avant 1914, voit sa crédibilité entachée par sa participation au gouvernement d’Union sacrée (1914-1917), où il avait, notamment, détenu le portefeuille de l’armement. « Mieux vaut après tout se perdre avec Lénine que se sauver avec Albert Thomas », cingle en 1921 L’Humanité, le quotidien créé par Jean Jaurès et désormais entre les mains de la jeune Section française de l’Internationale communiste dont naît, peu de temps après, le PCF.

Expériences malheureuses

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