Le Sénat a adopté mardi 28 mai une proposition de loi visant à encadrer les transitions de genre avant 18 ans, une initiative des Républicains (LR) farouchement condamnée par la gauche et des associations. Après un certain flottement, le gouvernement a fait part de son opposition au texte.
La proposition de loi de la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, adoptée à 180 voix contre 136, prévoit notamment l’interdiction pour les mineurs des traitements hormonaux et le contrôle strict des prescriptions de « bloqueurs de puberté ». Ces molécules permettent de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel l’enfant ne s’identifie pas.
Il s’agit d’« éviter aux mineurs en questionnement de genre de ne pas regretter des traitements médicaux ou de chirurgie de réassignation sexuelle suite à un mauvais diagnostic », a affirmé l’auteure du texte, suscitant les protestations de la gauche.
« Les vrais problèmes que vous avez, c’est que les personnes trans existent et que vous ne pouvez rien pour l’empêcher », lui a rétorqué l’écologiste Mélanie Vogel.
Le texte a été adopté grâce aux votes quasi-unanimes de l’alliance LR-centristes, majoritaire au Sénat. La gauche et le groupe macroniste s’y sont opposés, tandis que le groupe Indépendants à majorité Horizons n’a pas participé au vote. Il est désormais transmis à l’Assemblée nationale, mais rien n’assure à l’heure actuelle qu’il y sera examiné.
« Une offensive transphobe »
Les débats ont été l’occasion pour le gouvernement de clarifier sa position, alors que le flou a régné jusqu’à la fin de soirée sur ses intentions précises. Mais le ministre délégué à la santé, Frédéric Valletoux, après avoir écouté tous les groupes politiques, a finalement rejeté en bloc l’initiative, dénonçant « une approche totalement dogmatique, subjective, où les arguments médicaux et scientifiques ont peu d’importance ».
Plus tôt dans la journée, plusieurs sources parlementaires avaient pourtant été prévenues par l’exécutif d’un avis gouvernemental dit « de sagesse », ni favorable ni défavorable, ce qui avait irrité au sein même du camp présidentiel. Plusieurs parlementaires Renaissance avaient en effet cosigné dans la journée une tribune publiée dans Le Nouvel Obs dénonçant une « offensive transphobe ».
« Nous ne donnerons pas notre voix à une démarche qui n’est qu’un prétexte pour donner crédit aux positions les plus radicales et les plus injustes et réactionnaires de notre assemblée », s’est indigné le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli en séance publique.
Face aux critiques, le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, est monté au créneau dans l’hémicycle : « Il n’y a pas d’un côté le camp du bien et de l’autre côté le camp du mal. Il n’y a pas d’un côté des transphobes et de l’autre des personnes tout en humanité. Ce genre d’affirmation relève de l’insulte », a-t-il lancé, brandissant le « devoir de précaution et de prudence » vis-à-vis des mineurs.
Rapporteur sur la proposition de loi, le sénateur LR Alain Milon a, lui, assuré qu’elle garantissait « l’équilibre » entre le besoin de « soulager les souffrances des patients » et celui de « limiter des recours à des interventions irréversibles ».
Jusqu’à deux ans de prison encourus pour les médecins
La version du texte soumise au vote du Sénat prévoit de permettre la prescription des bloqueurs de puberté aux mineurs mais dans un cadre précis, au sein de « centres de référence pluridisciplinaires » et seulement après un suivi médical d’une durée d’au moins deux ans.
La prescription aux mineurs d’hormones croisées serait en revanche bien interdite, tout comme la réalisation de « chirurgies de réassignation ». Avec une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les médecins qui contreviendraient à ces règles. « Un précédent préoccupant », selon M. Valletoux.
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Des associations de défense des droits LGBT + et de nombreux sénateurs ont également reproché l’intégration à ce texte d’un article dédié à la mise en place d’une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.
« L’incongruence de genre », c’est-à-dire le sentiment d’une inadéquation entre le genre ressenti et celui de naissance, a pourtant été exclue de la catégorie des troubles mentaux par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2018.