Une nouvelle flèche vient se ficher dans l’élégant costume de Bruno Le Maire. Moins de quinze jours après la dégradation de la note qui évalue la dette française par l’agence Standard & Poor’s, la dérive des comptes publics vaut à celui qui est encore ministre de l’économie et des finances jusqu’aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet une attaque en règle lancée depuis le Sénat.
« Prévisions imprudentes », « rétention d’information », « déni », « mauvais calcul », « procrastination coupable » : dans un rapport cinglant publié jeudi 13 juin, la mission d’information copilotée par le président socialiste de la commission des finances, Claude Raynal, et le rapporteur général de cette commission, Jean-François Husson (Les Républicains), met en cause le comportement du gouvernement face au dérapage inattendu du déficit budgétaire en 2023. Bruno Le Maire assure, lui, n’avoir ni menti, ni rien caché, et avoir réagi dès qu’il l’a pu. « Le procès en insincérité qui nous est fait est assez écœurant », appuie son ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave.
Tout débute le 20 mars, lorsque les sénateurs découvrent dans un article des Echos que le gouvernement vient, sans le dire, de revoir fortement ses estimations sur le déficit des comptes publics en 2023. Au lieu d’avoir atteint 4,9 % du produit intérieur brut (PIB), la dernière prévision officielle, il devrait finalement avoir culminé à 5,6 % du PIB – le chiffre définitif donné par l’Insee sera de 5,5 %. En vingt-cinq ans, jamais la France n’avait connu pareil dérapage, sauf en 2008, lors de la crise financière. Cette fois-ci, la rumeur d’un gros problème courait, mais Bercy se refusait à donner des chiffres.
Exagérément optimistes
Dès le lendemain, Jean-François Husson effectue une visite surprise à Bercy pour obtenir communication des documents expliquant cette dégradation imprévue, qui jette un doute sur la crédibilité du gouvernement en matière budgétaire et rend quasiment caduc l’objectif d’un déficit de 4,4 % du PIB alors fixé pour 2024. Puis la mission interroge les ministres, divers experts, et décortique ce qui s’est passé.
Pour Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, l’écart exceptionnellement élevé entre les prévisions et la réalité tient pour l’essentiel à deux facteurs dont ils ne sont nullement responsables. D’une part, le « ralentissement économique mondial » survenu en fin d’année 2023, qui a limité les recettes publiques, alors que les dépenses sont restées « globalement tenues ». D’autre part, un changement de méthode comptable de l’Insee, à l’origine de près d’un quart de l’écart en cause.
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