« Le souverainisme europhobe se méprend sur le sens même de la souveraineté du peuple »

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Le souverainisme est une nébuleuse politique qui a, en Europe, le vent en poupe. La résurgence du phénomène est particulièrement inquiétante alors que les élections européennes du 9 juin ont conforté l’euroscepticisme au sein du Parlement européen. La défense ardente d’une confédération d’Etats souverains repose sur un socle nationaliste : elle énonce que la nation est la condition sine qua non de la démocratie.

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Outre le fondement ethnique ou linguistique des nations, les europhobes invoquent des communautés historiques forgées grâce à un passé glorieux. L’identité culturelle d’un peuple serait la condition de son identité politique. Langue, histoire, territoire, religion, parfois, sont sommés d’incarner le sentiment national. Tout autant, l’argument souverainiste est logé au cœur du mythe de l’Europe des nations.

Si la souveraineté est une et indivisible, une souveraineté européenne sonnerait le glas des souverainetés nationales. Au nom de la volonté générale, constante, inaltérable et pure, les leaders d’extrême droite n’hésitent pas à sanctifier le jugement infaillible des masses et à reléguer médiations et garde-fous aux oubliettes de l’histoire. Tout transfert de compétences à l’Union serait une usurpation et une trahison, accompagnées d’un risque d’hégémonie impériale dont la France serait l’innocente victime.

Individualisme désespérant

Mais les eurosceptiques invoquent également la dévitalisation engendrée par l’Union européenne (UE) : la volonté d’abstraire « principes », « valeurs » et « règles » de leurs incarnations politiques susciterait le péril de l’indéfinition. L’Europe manquerait de mythes, de rites et de symboles fondateurs qui feraient des citoyens un « peuple ». Pas plus que les « droits de l’homme », qui sont universels et non européens, le marché unique ne saurait conférer une identité digne de ce nom.

Artefact impérial voué à dissoudre l’unité culturelle de la nation, jouant la liberté individuelle contre la communauté spirituelle, le Moloch bruxellois est considéré comme le digne héritier des Lumières. Dans le discours souverainiste, la vénération des traditions patriotiques alimente le discours europhobe : face à l’unité organique de la nation, l’UE figure une création rationaliste, sécularisée et cosmopolite fondée sur un universalisme mythique et fade. Le libéralisme de l’UE ne serait que l’autre nom de son individualisme désespérant. Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’elle suscite la dépossession des peuples par des élites déracinées, pour ne pas dire « apatrides ».

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