« Le vote des catholiques s’est éparpillé et radicalisé »

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Parmi les forces sociales qui structurent les droites, les catholiques ont longtemps occupé une place centrale. La démonstration en avait été faite en leur temps par les sociologues Guy Michelat et Michel Simon dans un ouvrage magistral Classe, religion et comportement politique (Presses de Sciences Po, 1977). Selon eux, tous les catholiques ne votent pas en catholiques (la foi ne motivant pas nécessairement leur vote), mais les pratiquants réguliers (c’est-à-dire allant à la messe au moins une fois par mois) le font, et à hauteur d’environ 70 % au profit de la « droite de gouvernement », identifiée aux héritiers du gaullisme et de la démocratie chrétienne.

Les pratiquants réguliers ont souvent constitué un bloc résistant au vote Front national [FN, l’ancien nom du Rassemblement national], contrairement aux catholiques non pratiquants qui choisissent historiquement plus le parti lepéniste que le reste des Français. Longtemps, le vote FN a quasiment valu indice de détachement religieux, sauf dans les petites chapelles traditionalistes.

En outre, les pratiquants réguliers ont largement soutenu la construction européenne. A l’occasion des référendums sur le traité de Maastricht (1992) ou sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe (2005), le oui fut majoritaire parmi eux (IFOP). Lors des élections européennes de 2019, Nathalie Loiseau, candidate LRM avec un positionnement très proeuropéen et catholique revendiquée, obtenait encore 43 % parmi les pratiquants réguliers (IFOP-La Croix).

Les catholiques ont donc joué un rôle de stabilisation, de modération et de promotion européenne au sein des droites. Mais force est de constater que celui-ci s’épuise. Le vote en faveur du RN progresse depuis les élections régionales de 2015, en pleine vague d’attentats islamistes. A la présidentielle de 2022, parmi les pratiquants réguliers, Marine Le Pen obtient 21 % et arrive en seconde position derrière Emmanuel Macron à 25 % des voix (IFOP-La Croix). La hantise de l’islamisme, du déclassement culturel et une logique « dégagiste » attisée par l’échec des espoirs politiques nés de La Manif pour tous ont accéléré le détachement à l’égard de la droite modérée. En additionnant Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan et Lassalle, on obtient alors 42 % des pratiquants réguliers exprimant des votes que l’on peut qualifier de « contestataire » de droite ou d’extrême droite.

En 2017, François Fillon obtenait encore 55 % des voix parmi eux (IFOP-Pélerin). Cela montre qu’entre-temps, le vote catholique s’est pour la première fois éparpillé et radicalisé, reflétant l’ampleur des conflits de valeurs et des choix tactiques qui divisent les catholiques.

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