les Eglises appellent les fidèles du dimanche à la paix

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« En ce moment, Satan, il vient dormir ici dans nos quartiers sous les palmiers. » Voix forte et bible à la main, le pasteur Laxa Wejieme, dit « Lax », harangue, ce dimanche 2 juin, la foule réunie pour un culte insolite. Las de ne pouvoir rejoindre sa paroisse du Mont-Dore, au nord de l’agglomération de Nouméa, inaccessible, le quinquagénaire a décidé, en voisin, de se mettre au service des fidèles de Jacarandas, quartier populaire de Dumbéa sur mer. « C’est la première fois que je fais le culte sur un barrage », lance-t-il du rond-point, qui reste chaque nuit, depuis le 13 mai, le théâtre d’affrontements avec les forces de l’ordre.

Le lieu a été nettoyé par les fidèles la veille, et les jeunes du barrage ont laissé faire : les paroissiens sont aussi leurs parents. Le culte du jour a pour thème « la paix », les mères de famille se succèdent devant un autel sommaire, décoré de fleurs de leurs jardins, pour lire l’Évangile ou une prière. Des paroles de pardon et de repentance, mais qui n’exhortent pas pour autant les jeunes à cesser la mobilisation. D’ailleurs, le drapeau indépendantiste flotte au vent.

Depuis 1979, l’Eglise protestante s’est positionnée pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, elle est même devenue l’Eglise protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie en 2013. Les protestants sont, dans leur écrasante majorité, des Kanak originaires des îles Loyauté, évangélisées par les missionnaires anglais au XIXsiècle.

« On est pour le vivre-ensemble »

Dans les rangs des fidèles, l’opposition à la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral fait consensus. Didier, originaire de Lifou, s’inquiète pour son fils, installé sur le barrage, mais soutient la contestation : « Nos enfants ont pris la relève d’un combat qui a été le nôtre dans les années 1980. Tant que le texte ne sera pas retiré, on sera derrière eux. » Le pasteur appelle donc les jeunes de Jacarandas, non pas à la levée des barrages, mais « au discernement. Aujourd’hui, pour trouver de quoi se nourrir, il faut aller à pied jusqu’au magasin du quartier voisin. Ne faites pas n’importe quoi ». Allusion aux pillages et destructions que personne ne veut attribuer à la jeunesse du quartier.

Quant à l’alcool, « ce poison trompeur doit être banni des barrages. Remplacez-le par la prière », lance également Lax aux jeunes qui observent la scène depuis leur camp de base, l’école qui surplombe le rond-point.

« Ils ne viennent pas, mais ils écoutent », assure Marie, au front ceint d’un bandeau « Paix ». « Il faut que les gens se parlent, qu’on essaie de se comprendre. Nous, on est des petites gens et on n’est pas d’accord avec tout ce qu’on entend : si nos jeunes font ça, c’est qu’il y a des raisons. On est pour le vivre-ensemble, pas des racistes comme certains veulent le faire croire. » Un coup de vent soulève la poussière accumulée des carcasses de voitures brûlées qui jonchent l’avenue, une détonation retentit : « Voyez », dit le pasteur aux fidèles, « quand je vous dis que Satan dort sous les palmiers ».

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