« L’étiquette Nouveau Front populaire fait appel à l’imaginaire plutôt qu’à l’histoire »

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Professeure émérite d’histoire contemporaine à Sciences Po Paris, Claire Andrieu travaille sur l’engagement politique en France de la fin du XIXe siècle à nos jours. Elle a notamment publié Pour l’amour de la République. Le Club Jean Moulin, 1958-1970 (Fayard, 2002), Le Programme commun de la Résistance. Des idées dans la guerre (L’Erudit, 1984) et Tombés du ciel. Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945 (Tallandier, 2021).

En choisissant de baptiser leur liste d’union « Nouveau Front populaire », les partis de gauche renvoient directement au Front populaire, qui a remporté les élections législatives de 1936. Dans quelle mesure ce parallèle historique est-il juste ?

Cette étiquette vaut comme signe de ralliement et comme message d’espoir, deux signaux nécessaires face à la perspective d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Mais il s’agit d’un appel à l’imaginaire du Front populaire plutôt qu’à son histoire. Certes, le Front populaire de 1936 est né du choc provoqué par l’émeute du 6 février 1934, qui a fait quinze morts et a été perçue par la gauche comme une tentative de prise du pouvoir par l’extrême droite. C’était principalement l’Action française qui avait appelé à manifester place de la Concorde, face à l’Assemblée nationale.

De la même façon, le Nouveau Front populaire s’est formé en réaction à la victoire du Rassemblement national [RN] aux élections européennes. Mais la comparaison terme à terme s’arrête là. Alors que, dans les années 1930, il a fallu près de deux ans entre l’apparition de l’idée d’une union des partis de gauche et la publication du programme du Front populaire en janvier 1936, le Nouveau Front populaire a été acté, a désigné ses candidats et a publié son programme en six jours.

Quelles ont été les étapes qui ont mené à la victoire de la gauche en 1936 ?

Le Front populaire vient d’en bas. Une véritable volonté populaire a poussé à l’union des gauches. Le 12 février 1934, six jours après l’émeute, deux cortèges, l’un à l’appel du PCF [Parti communiste français], l’autre de la SFIO [Section française de l’Internationale ouvrière, nom du Parti socialiste d’alors], fusionnent « à la base » aux cris de : « Unité, unité ! » Diverses tentatives de rapprochement échouent ensuite, jusqu’à ce qu’en juin 1934, sur les consignes du Komintern [l’Internationale communiste], le PCF accepte d’engager les discussions de parti à parti. Un pacte d’unité d’action est conclu entre socialistes et communistes. En octobre, l’expression « front populaire » apparaît dans L’Humanité.

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