Nous étions plus de 3 000 soignants à appeler au maintien de l’aide médicale de l’Etat (AME), le 2 novembre 2023, vingt-trois structures et sociétés savantes à défendre ce dispositif, le 28 novembre, et plus de 7 500 soignants signataires au lendemain du vote de la loi sur l’immigration, fin décembre.
A la veille d’une réforme annoncée, nous, professionnels de santé, appelons à nouveau à la défense de l’AME contre toute réduction risquant de dégrader son contenu et, par extension, le système de soin français. Nous souhaitons rappeler que les personnes sans couverture maladie sont plus souvent que les autres prises en soins à des stades plus avancés, au risque d’augmenter la saturation du système de santé et le coût des soins.
L’AME permet aux personnes en situation irrégulière et de précarité d’accéder aux soins. Depuis sa création, en 1999, ce dispositif a fait l’objet de plusieurs réformes, réduisant son accès et sa portée. Bien que le projet de son remplacement par une aide médicale d’urgence ait été écarté, le gouvernement s’est engagé à la réformer en 2024 sur la base des conclusions du rapport Evin-Stefanini. Claude Evin, ancien ministre de la santé, et Patrick Stefanini, conseiller d’Etat, s’accordent sur plusieurs points-clés.
Le premier, c’est que s’il existe bien une augmentation des dépenses d’AME corrélée à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, « la consommation trimestrielle moyenne par bénéficiaire est restée stable au cours des quinze dernières années, en dépit de l’augmentation du coût des soins sur la période » − avec 642 euros en 2009 contre 604 euros en 2022, soit une baisse de près de 6 % dans un contexte d’inflation de près de 30 %. Au total, 968 millions d’euros sont consacrés à ce dispositif, soit 0,5 % du budget de l’Assurance-maladie.
Périmètre restreint
Le deuxième, c’est que l’AME est « la prestation gérée par l’Assurance-maladie dont le taux de contrôle est le plus élevé », permettant de limiter drastiquement le risque de fraude (moins de 3 % d’anomalies constatées).
Le troisième, c’est que les données disponibles contredisent l’idée que l’AME est un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration. Il n’est pas le dispositif le plus généreux d’Europe : plusieurs pays voisins offrent un panier de soins plus large ou avec moins de restrictions d’accès, notamment relatives au plafond de ressources.
Le quatrième, c’est que si l’AME est « un dispositif correctement cadré sur le plan réglementaire et largement opérationnel », son périmètre restreint, excluant notamment ses bénéficiaires du dispositif « médecin traitant » et des campagnes de dépistage, affecte « la fluidité et l’efficience du parcours de soins ». Il existe, par ailleurs, un effet seuil radical : toute personne dont les ressources sont supérieures au plafond de 810 euros par mois en est exclue, y compris les travailleurs sans papiers dont les cotisations participent pourtant au financement de l’Assurance-maladie. A ces limites s’ajoutent un risque de discrimination (de 14 % à 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez le généraliste) et un niveau de non-recours préoccupant (50 % des personnes éligibles n’en disposent pas).
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