Retour sur le documentaire « La Cravate », d’Etienne Chaillou et Mathias Théry, qui suivait le parcours d’un jeune militant frontiste en 2017

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Le 9 juin, au soir des élections européennes, le triomphe de Jordan Bardella, 28 ans, qui menait la liste du Rassemblement national (RN), a ravivé un souvenir : celui d’un documentaire sur les jeunes cadres de l’extrême droite, tourné pendant la campagne présidentielle de 2017, La Cravate (2020), d’Etienne Chaillou et Mathias Théry. A l’époque, le parti – qui s’appelait encore le Front national (FN) – ouvrait la porte à une nouvelle génération de militants, contrôlant leur langage et véhiculant une image du FN plus avenante.

Lire la critique (2020) : Article réservé à nos abonnés « La Cravate », itinéraire d’un militant d’extrême droite

Quatre ans après la sortie du film, alors que le RN est aux portes du pouvoir, du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin, en réaction à la victoire écrasante du RN (31,37 % des suffrages exprimés aux élections européennes), Mathias Théry revient sur cette expérience de tournage et s’exprime également au nom de son coréalisateur. Nous avons pu aussi nous entretenir avec le personnage principal de La Cravate, Bastien Régnier, qui militait à l’époque dans la Somme pour Marine Le Pen. Elevé à la campagne, passionné de laser games, il sortait d’une période trouble de l’adolescence et ressentait un manque de considération : « Le FN m’a ouvert les bras », nous dit-il, même si, depuis, il a quitté le parti mais pas l’extrême droite, et ne mâche pas ses mots à son égard.

Dans le film, Bastien Régnier fait ses premiers pas en politique, distribue des tracts pour la candidate du FN qui réussit à se qualifier pour le second tour de la présidentielle, avant d’être battue par Emmanuel Macron. Le tandem de réalisateurs a pris le parti de la durée, pour tenter de comprendre la trajectoire de Bastien, dont ils découvrent en chemin la face sombre : à l’adolescence, il a fréquenté des skinheads, a appris à se battre et s’est persuadé de la supériorité de son identité picarde… Un jour, il découvre les discours de Marine Le Pen.

« Roman »

L’un des premiers plans de La Cravate montre le local du FN à Amiens, le matin. Bastien Régnier est devenu l’assistant du jeune secrétaire départemental du FN dans la Somme, Eric Richermoz, issu d’une école de commerce, appliquant les règles du marketing à la politique. Celui-ci a été repéré par Florian Philippot, le numéro deux du parti, lequel a découvert aussi Jordan Bardella. Eric Richermoz apprend à Bastien les codes vestimentaires, l’art de porter le costume… et la cravate.

Un jour, les deux provinciaux rejoignent en voiture la capitale, où se réunissent les huiles du parti dans un bel appartement : un plan furtif montre Eric et Bastien aux côtés de Jordan Bardella, qui était encore méconnu. Revoir La Cravate aujourd’hui, c’est mesurer l’efficacité de la dédiabolisation menée au sein du parti. Sur le terrain, Eric et Bastien ne cessent de marteler : « Nous ne sommes pas d’extrême droite. » Un refrain encore répété aujourd’hui au RN, quand bien même le Conseil d’Etat a validé cette qualification, dans une décision rendue le 11 mars.

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