« S’il reste intéressant de nationaliser TotalEnergies pour mieux maîtriser la décarbonation, il paraît encore plus pertinent de taxer ses superprofits »

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Le 28 mars, Marie Toussaint a proposé une mesure sans précédent : la prise de contrôle par la puissance publique des principales compagnies pétrolières européennes. La tête de liste écologiste pour les élections européennes souhaite qu’un fonds européen achète la majorité des parts de TotalEnergies, Eni et consorts, pour aligner leurs stratégies sur la décarbonation rapide de l’économie.

Le principal objectif affiché est de réorienter l’activité des compagnies pétrolières : plutôt que d’investir dans de nouveaux forages ou de verser des dividendes à leurs actionnaires, ces compagnies emploieraient leurs ressources au service des énergies renouvelables. Cette reprise en main permettrait de former et réorienter leurs salariés vers des métiers d’avenir, par exemple en employant leurs compétences en construction offshore et forage au service des éoliennes en mer et de la géothermie.

Bien qu’une telle réorientation accompagnerait effectivement la dynamique de la transition, on peut cependant craindre que sa contribution reste limitée. En effet, l’ouverture de nouveaux puits étant avant tout dictée par la demande mondiale de pétrole, elle ne serait que retardée par la nationalisation – ou plutôt l’« européanisation » – des compagnies européennes, dans la mesure où d’autres pétroliers pourraient se substituer aux compagnies « européanisées ». Ces compagnies étrangères prendraient ainsi des parts de marché et débaucheraient des salariés aux compagnies européennes.

Le second objectif affiché est de laisser dans le sous-sol certaines réserves détenues par les pétroliers, ce qu’on appelle « échouer des actifs » dans le jargon économique. Réduire ainsi l’offre mondiale de pétrole augmenterait le prix du pétrole et induirait une baisse de la demande. Par ce mécanisme, l’européanisation réduirait les émissions de CO2.

Notons toutefois que ces réductions d’émissions se feraient essentiellement hors de l’Union européenne (UE). En effet, grâce aux marchés carbone européen, 80 % des émissions de CO2 de l’UE seront déjà plafonnées d’ici à 2027 (lors de l’entrée en vigueur du deuxième marché carbone, qui régulera transports et bâtiment). Les émissions européennes ainsi régulées coïncideront avec ce plafond et resteront donc insensibles aux variations du prix du pétrole.

Un coût pour les contribuables européens

Certes, échouer les actifs pallie le défaut d’une politique de décarbonation européenne aujourd’hui uniquement centrée sur la réduction de la demande. Car, dans la mesure où le marché du pétrole est concurrentiel, la baisse de la demande mondiale de pétrole due à la décarbonation de l’UE et d’autres régions peut induire une baisse du prix du pétrole, ce qui entraîne une hausse de la demande dans les autres régions. Aussi, si on n’agit pas sur l’offre ou sur le reste du monde, une partie de la réduction des émissions européennes est compensée par une hausse des émissions dans le reste du monde.

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