« Ça commence à peser lourd. » Le constat dressé par Alexandre Baradez, analyste de marché chez le courtier IG, résume bien la semaine qui s’achève sur les marchés financiers, désarçonnés par la dissolution de l’Assemblée nationale et les risques qu’elle fait peser sur les finances publiques françaises.
En fin de séance, vendredi 14 juin, l’indice CAC 40 de la Bourse de Paris se repliait de 2,8 % sur la journée et de 6,4 % sur la semaine, sa plus mauvaise performance hebdomadaire depuis juin 2022. Oublié, le record historique inscrit le 15 mai, à 8 253,1 points : depuis, l’indice parisien a chuté de près de 10 %.
Mais c’est surtout sur le marché obligataire que se répercutent les inquiétudes des investisseurs : le « spread » franco-allemand, l’écart entre les taux d’intérêt à dix ans des deux principales économies de la zone euro, s’est creusé de plus de 20 points de base, depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, pour atteindre 77 points, du jamais-vu depuis 2017.
Cet indicateur du risque accolé à la détention d’emprunts d’Etat français reste certes très loin de ses sommets de 2012, autour de 190 points, en pleine crise de la dette dans la zone euro.
Une réaction pour l’instant mesurée
Mais l’avertissement est sérieux : à 3,11 %, après un pic à près de 3,25 %, lundi 10 juin, le rendement des obligations d’Etat françaises à dix ans évolue désormais tout près de celui des emprunts du Portugal, pays dont la note souveraine est pourtant inférieure de plusieurs échelons à celle de la France dans les barèmes des grandes agences de notation.
A ces niveaux, la réaction du marché reste néanmoins mesurée, estime Christophe Boucher, directeur des investissements d’ABN Amro Investment Solutions : les ventes d’obligations françaises n’ont pas été massives, mais certains investisseurs ont préféré se reporter sur les actifs jugés les plus sûrs dans le contexte actuel, à commencer par la dette publique allemande et le dollar. Ce qui explique le repli de l’euro sous 1,07 dollar, au plus bas depuis un mois.
« Pour l’instant, les grands investisseurs institutionnels, étrangers comme français, qui détiennent la majorité de la dette de la France, se regardent les uns les autres en se demandant quoi faire, poursuit M. Boucher. Mais si un jour un gros investisseur se met à vendre massivement de la dette française ou italienne, personne ne voudra être le dernier, et tout le monde suivra. »
La peur d’une contagion
D’autant que si les investisseurs européens peuvent suivre de près l’évolution des sondages et le détail des programmes, les gros détenteurs de titres américains ou britanniques ne prennent pas forcément cette peine et peuvent décider abruptement de « sortir » du marché de la dette française pendant quelques semaines.
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