Histoire d’une notion. Emprunté à la chimie, le terme « volatilité » désigne traditionnellement l’aptitude d’un corps solide ou liquide à passer à l’état gazeux. Mais il est surtout employé aujourd’hui pour désigner deux formes d’incertitude : celle des élections et celle des marchés. Comme si le politique et l’économique, jadis relativement stables, devenaient de plus en plus « gazeux ».
L’expression « volatilité électorale » s’est imposée en France à partir du début des années 1980. Il s’agissait alors de décrire la baisse de l’attachement partisan, un phénomène que l’on observait aux Etats-Unis depuis les années 1970. Le politologue Gérard Grunberg est l’un des premiers à en montrer la réalité, dans une étude pionnière sur les itinéraires de vote entre 1981 et 1984. Elle sera confirmée par toutes les enquêtes ultérieures. Nonna Mayer, chercheuse au CNRS, résume ces travaux aujourd’hui classiques : « Auparavant, on observait que la classe et la religion permettaient de prédire le vote. Mais depuis plus de quarante ans, on voit un mouvement de fond qui fait que les électeurs sont de plus en plus imprévisibles. »
Cette imprévisibilité, qui concerne aujourd’hui une grande diversité d’électeurs, revêt trois principaux visages : l’indécision antérieure au vote, qui peut conduire à changer de bulletin au cours de la campagne électorale (9 % des électeurs entre mars et mai pour les élections européennes du 9 juin) ; l’intermittence du vote ou de l’abstention, d’une élection à une autre (14 % des électeurs) ; ou encore l’évolution des préférences partisanes d’un scrutin à l’autre.
« Incertitude électorale »
Longtemps, l’indécision électorale n’a concerné que les candidats ou les listes à l’intérieur d’un même camp politique. Les électeurs qui franchissaient la frontière entre la droite et la gauche demeuraient très minoritaires, avant de devenir de plus en plus nombreux. En 2017, Emmanuel Macron a instauré pour la première fois un clivage entre le centre et l’extrême droite, parvenant à faire venir à lui des électeurs de droite comme de gauche. Les dernières élections européennes, à maints égards, ont confirmé cette volatilité.
Les électeurs seraient-ils devenus de simples consommateurs soucieux de maximiser l’utilité de leur vote sur le marché politique ? C’est ainsi que l’entendait le politologue américain Anthony Downs (1930-2021), qui a contribué à poser les bases théoriques de ce qu’il appelle « l’incertitude électorale » dans son livre de 1957, Une théorie économique de la démocratie (Editions de l’Université de Bruxelles, 2013).
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