« Concussion ». Ce délit, peu usité dans les affaires politico-financières, désigne, selon l’article 432-10 du code pénal, « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique (…), de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir (…) une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ». C’est sous ce chef de prévention que le parquet de Grenoble annonce, mercredi 5 juin, avoir ouvert une enquête préliminaire à l’encontre du maire de la ville alpine, l’écologiste Eric Piolle, de son ancienne première adjointe et députée (La France insoumise, LFI) de l’Isère, Elisa Martin, et d’un ancien collaborateur de l’édile.
L’enquête judiciaire vise à éclaircir les faits exposés dans un article paru dans Le Canard enchaîné, ce même mercredi. Selon les informations de l’hebdomadaire satirique, Eric Piolle aurait passé, en décembre 2016, un marché avec un proche collaborateur : il lui proposait de lui verser une augmentation de salaire importante, qui le faisait passer de 3 000 à 3 600 euros mensuels. Mais à une condition, moins avantageuse : il devait rétrocéder 400 euros en liquide à la première adjointe à la mairie, Elisa Martin, également cofondatrice du Parti de gauche, ancêtre de LFI.
Un agrément illégal, qui aurait perduré durant quatre ans, jusqu’au départ du collaborateur de M. Piolle, et permis à Mme Martin, devenue députée en 2022, de percevoir 16 800 euros en liquide au total. Si la somme paraît faible par rapport à d’autres affaires de détournement, l’ironie provient de ce qu’elle semble avoir été destinée à compenser les propres engagements de campagne du maire de Grenoble et de son adjointe.
Montage baroque
En 2014, Eric Piolle avait acquis une stature nationale en battant, à la surprise générale, Jérôme Safar, héritier de Michel Destot, maire emblématique de Grenoble durant deux décennies (1995-2014). M. Piolle, chef d’entreprise et militant écologiste de longue date, devenait, après Dominique Voynet à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le deuxième maire écologiste d’une ville de plus de 100 000 habitants. Une victoire obtenue notamment grâce à l’alliance nouée avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, dont la représentante locale, Elisa Martin, figurait en deuxième position sur la liste « Grenoble, une ville pour tous ».
Parmi les propositions phares de la liste d’alliance, on trouve alors « diminuer les indemnités d’élus » et « réaliser le non-cumul des mandats ». La hausse de 25 % de rémunération des adjoints, votée par la mandature précédente, doit être supprimée, de même que les jetons de présence dans les organismes paramunicipaux. Enfin, le cumul de deux exécutifs est interdit. Mme Martin doit donc renoncer à son mandat de conseillère régionale et aux revenus afférents, et se serait trouvée en difficulté financière, d’où le recours à ce montage baroque.
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