« Un premier ministre du Rassemblement national aurait un pouvoir très important »

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Pour Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers, les institutions de la Ve République sont « efficaces et relativement stables ». Mais celles-ci ont « avant tout été pensées pour des forces politiques modérées », rappelle-t-il.

Si le Rassemblement national (RN) obtient le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale, à l’issue des élections législatives, le 7 juillet, en quoi cela constituerait-il un événement sans précédent ?

La France entrerait sans aucun doute dans une période inédite, traversée par de fortes incertitudes institutionnelles. Le RN, en tant que parti d’extrême droite, est historiquement et structurellement antilibéral, et n’adhère pas à certains principes constitutionnels qui sont au cœur de la République française, notamment le principe d’égalité ou le principe de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées.

Jamais, sous la Ve République, un parti d’extrême droite n’est arrivé en tête des élections législatives. Les conséquences d’une telle victoire ne sont pas entièrement prévisibles car elles dépendent aussi des stratégies des autres acteurs politiques.

L’accession au pouvoir du RN par la voie parlementaire représente-t-elle une menace à court terme pour le fonctionnement démocratique ?

Dans les Etats qui ont vu l’extrême droite accéder au pouvoir en Europe (Hongrie, Pologne, Turquie, Italie…), la nouvelle majorité s’attelle rapidement à saper les fondements de l’Etat de droit, en portant atteinte à l’indépendance de la justice, aux droits des minorités ou à la liberté de la presse. Le RN a, lui, déjà annoncé son projet de privatisation du service public audiovisuel, dans le contexte où de grandes fortunes rachètent des médias, afin d’en faire des plates-formes d’opinion, sacrifiant leur indépendance.

Quant au Conseil constitutionnel, il fait l’objet d’attaques régulières de l’extrême droite qui y voit un obstacle majeur à ses propositions les plus radicales. Cette juridiction n’est cependant pas menacée à court terme, même si elle sera confrontée de façon inédite à une majorité gouvernementale qui conduit des politiques en tout ou partie inconstitutionnelles.

En février 2025, le président de la République doit nommer le successeur de Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, pour un mandat de neuf ans. Le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat nommeront chacun un nouveau membre du Conseil aussi pour neuf ans. Pour que le RN ait son mot à dire, cela supposerait qu’il obtienne la présidence de l’Assemblée nationale puisque le président du Sénat, Gérard Larcher, et le président de la République, Emmanuel Macron, seront a priori encore en poste.

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