La « cuisson propre », levier de développement en Afrique

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Agir simultanément en faveur du climat, de la santé et de l’amélioration des conditions de vie des femmes. Peu de causes réunissent pareilles ambitions, qui plus est avec des chances concrètes de succès. Tel est précisément le cas de la « cuisson propre », autrement dit les techniques permettant de se passer de bois pour cuire les aliments. Actuellement, 90 % des Africains dépendent d’un mode de cuisson rudimentaire : trois pierres autour d’un foyer, où brûle du bois, du charbon de bois ou du fumier. Les femmes passent une large partie de leur temps à ramasser le bois et à surveiller l’interminable cuisson. Elles et leurs enfants respirent des gaz toxiques.

Aux 500 000 morts prématurées par an consécutives à des maladies respiratoires s’ajoutent les effets de la déforestation liée au besoin de combustible. C’est pourquoi le sommet organisé, mardi 14 mai à Paris, par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en présence d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains, mérite d’être salué.

Sous des dehors anecdotiques, les enjeux sont considérables : touchant la qualité de vie des femmes et la santé, ils sont aussi environnementaux. Supprimer les pratiques de cuisson traditionnelles d’ici à 2030 diminuerait les émissions de gaz à effet de serre d’une quantité égale à celles générées en un an par les transports maritimes et aériens réunis. Selon l’AIE, il suffirait de 4 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros) par an pour financer l’accès des familles africaines à une « cuisson propre » d’ici à la fin de la décennie. Quant aux solutions alternatives, ces foyers fermés moins voraces en combustibles ou ces réchauds solaires, au gaz ou à l’électricité, elles existent.

Mais les obstacles sont nombreux. Il y a l’indifférence de nombreux chefs d’Etat africains à une question qui, de fait, concerne d’abord les femmes. Ces dernières peinent souvent à abandonner leurs habitudes de cuisson ancestrales lorsque des « foyers améliorés » sont mis à leur disposition.

Un besoin de véritables politiques publiques

Ces dernières années, le financement de tels équipements par la vente de crédits-carbone à des entreprises désireuses de compenser leurs émissions de CO2 s’est développé. Des Etats cherchent aussi à remplir leurs engagements climatiques moyennant une aide aux modes de « cuisson propre » en Afrique. Avantageux pour l’image, ces procédés posent un problème moral et politique – peut-on « acheter » ainsi le droit de continuer à polluer ? – et n’offrent qu’une part minime des financements nécessaires. Leurs résultats climatiques affichés semblent d’ailleurs largement surévalués.

Instrument de décarbonation et d’émancipation des femmes, et donc levier de développement, l’amélioration des systèmes de cuisson suppose de véritables politiques publiques dans les pays africains, soutenues par les Etats fournisseurs d’aide et les institutions internationales comme la Banque mondiale.

A la conférence de Paris, 2,2 milliards de dollars de promesses de financements nouveaux ont été annoncés, dont plus de la moitié par le secteur privé. Avoir réussi à mettre sur la table des discussions internationales une question aussi porteuse de progrès représente un succès indéniable. Il reste à assurer la pérennité des financements et leur pertinence. Cela passe probablement par un changement d’approche qui constitue un nouveau défi : plutôt que l’actuelle logique reposant sur une offre de matériels plus ou moins adaptés, il s’agit de partir des besoins réels des femmes africaines.

Le Monde

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