« Le gouvernement est en train de perdre à la fois sa figure d’arbitre et d’aiguillon du destin commun des Calédoniens »

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L’honneur de la France figurait dans les grands principes de l’accord de Nouméa en 1998. L’Etat y reconnaît ses « fautes » dues à une « colonisation » qui « a porté atteinte à la dignité du peuple kanak » et proclame que la « décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable ».

Il y a hélas peu d’autres exemples, dans notre tumultueuse histoire coloniale, d’une telle lucidité des pouvoirs publics sur les crimes coloniaux commis par notre pays, et d’un tel volontarisme politique pour parvenir à un rééquilibrage réel. En effet, pour ce faire, l’accord de Nouméa prévoit un « rééquilibrage » politique, social et économique en faveur des Kanak et propose de « restreindre le corps électoral aux personnes établies depuis une certaine durée ».

La constitution du corps électoral calédonien a traversé depuis les années 1980 de nombreuses étapes complexes et de réformes institutionnelles, toutes guidées par le principe d’une meilleure représentation des peuples kanak. Ce fut le cas des accords de Matignon, en 1988, qui marquent le début d’un processus assumé de décolonisation et d’ouverture du corps électoral aux populations autochtones.

Ce même principe guida les accords de Nouméa dix ans plus tard, à travers l’instauration d’un corps électoral spécifique donnant aux Kanak une voix prépondérante dans certains scrutins. Depuis, des dispositions sont régulièrement prises pour encourager l’inscription sur les listes électorales, notamment par le biais d’opérations de révision annuelle du corps électoral.

Remettre le premier ministre au centre du jeu politique

Au-delà des grands principes, les gouvernements successifs français et les parties engagées en Nouvelle-Calédonie ont mis en place pendant des décennies une méthode collégiale de dialogue, s’inscrivant dans les pas des regrettés Jean-Marie Tjibaou (1936-1989) et c, deux leaders politiques ennemis qui ont su dépasser leurs différends pour le bien et le destin communs de leur archipel et de ses habitants.

A ces principes et à cette méthode s’est ajoutée une forme de tradition visant à faire du premier ministre le chef d’orchestre de ce dialogue. La mobilisation du chef du gouvernement, à la fois marque de considération pour les parties et gage de dépassement, a guidé les débats pendant plusieurs décennies, de Michel Rocard, à Lionel Jospin jusqu’à plus récemment Edouard Philippe. Ce sont ces grands principes, cette plate-forme de dialogue et cette considération qui sont en train de s’étioler dangereusement, et la majorité actuelle en porte une lourde responsabilité.

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