Home Divers Cannes 2024 – « Ground Zero » : Une fenêtre sur la résilience et...

Cannes 2024 – « Ground Zero » : Une fenêtre sur la résilience et la vie quotidienne à Gaza

0

« Ground Zero » : Une fenêtre sur la résilience et la vie quotidienne à Gaza

C’est au Palais des festivals à Cannes, le 19 mai, qu’a eu lieu la première projection de Ground Zero, un projet cinématographique ambitieux composé, pour l’instant, de seize courts métrages variés allant de la fiction à la docufiction, en passant par le documentaire et l’animation. D’ici peu, quatre autres courts métrages viendront compléter cette œuvre collective.

Cette projection a réuni plusieurs figures importantes du monde du cinéma arabe, telles que Hussein Fahmy, président du Festival International du Caire (Égypte), Lamia Guiga, directrice exécutive des Journées Cinématographiques de Carthage, Mouhamad Keblawi, fondateur du Festival du Film Arabe de Malmö (Suède), Abdelhaq Mantrach, président, et Malak Dahmouni, directrice artistique, du Festival International du Film d’Auteur de Rabat (Maroc), Elias Khlat, fondateur et directeur du Festival du Film de Tripoli (Liban), et bien d’autres encore, comme la réalisatrice palestinienne May Masri, le critique Ibrahim Ariss et de nombreux journalistes arabes et étrangers.

 

Annonce de la projection du film « Ground Zero » au Palais des Festival à Cannes

 

Projection du film « Ground Zero » au Palais des Festivals 

 

Le Président du Festival International du Film du Caire et acteur Hussein Fahmy, avec le réalisateur palestinien Rashid Masharawi 

 

Projection du film « Ground Zero ». Sur l’écran, un dessin animé réalisé par des enfants gazaouis

 

Projection du film « Ground Zero ». Sur l’écran, entre le passé et le présent d’une jeune danseuse gazaouie

 

L’initiative Ground Zero a été lancée par Rashid Masharawi, un réalisateur palestinien originaire de Gaza, dans le contexte tumultueux de la guerre qui a suivi les attaques du 7 octobre 2023. Le projet vise à rendre audible la voix des Gazaouis, à conserver une trace des expériences vécues et à garantir que l’histoire de l’occupation de la Palestine inclut les perspectives des Palestiniens, en particulier ceux de Gaza.

Malgré les difficultés inhérentes à la situation à Gaza, le projet témoigne de l’existence d’un espace créatif florissant. La bande de Gaza possède des talents artistiques que rien ne doit arrêter, car l’art, par sa relation entre l’imaginaire et le réel, est plus que jamais essentiel pour permettre aux cinéastes de Gaza de s’exprimer.

Ground Zero s’articule autour de vingt très courtes histoires, de trois à six minutes chacune, permettant une multiplicité de points de vue et illustrant la diversité créative de Gaza. Ce format court garantit la faisabilité des tournages, nécessairement brefs et répartis à travers Gaza. Cette approche permet de dresser un tableau cinématographique des talents artistiques, de la vie quotidienne, des peurs, des rêves et des espoirs des habitants de Gaza.

Un comité de sélection a été mis en place pour assurer la qualité et la rapidité de la mise en œuvre du projet. Il évalue les propositions en fonction de critères tels que le caractère personnel des histoires, leur originalité et le talent des cinéastes. Ce comité soutient le développement des idées jusqu’à leur concrétisation en films. En sélectionnant un peu plus de vingt projets, le comité prend en compte la possibilité que certains ne puissent pas être menés à terme, un risque inhérent à la vie dans une zone de conflit comme Gaza.

Pour assurer le succès des projets sélectionnés, des tuteurs basés au Moyen-Orient et en Europe accompagnent les cinéastes de Gaza. Sur place, des coordinateurs persévérants fournissent l’assistance technique et humaine nécessaire, tout en gérant les budgets et les transferts de données pour la post-production. Malgré les défis logistiques, les fonds et les données parviennent à Gaza, assurant ainsi la continuité des projets. Ce système permet de travailler rapidement tout en garantissant la qualité du film, avec des tuteurs qui développent et suivent les projets jusqu’à l’envoi des rushes.

Les droits de diffusion ont été acquis auprès de tous les réalisateurs avant le début des tournages, garantissant ainsi que Ground Zero pourra être présenté au plus grand nombre, dans tous les circuits possibles. La post-production a été confiée à des sociétés expérimentées en Europe et au Moyen-Orient, et le film de 90 minutes sera disponible en arabe, anglais et français. Cette approche garantit que le film pourra toucher un public international et préserver la mémoire des expériences palestiniennes en temps de guerre.

Les seize courts métrages actuellement achevés présentent des perspectives diverses sur la vie à Gaza, loin des images médiatiques habituelles. L’une des histoires raconte l’expérience traumatisante d’une jeune adolescente dont la mère inscrit son nom sur son corps pour l’identifier en cas de décès. On a déjà vu cela à la TV et sur les réseaux sociaux, mais dans ce film, on peut avoir le ressenti de cette adolescente. Elle raconte le traumatisme vécu à cause de ces inscriptions. Elle n’a pas pu dormir et a effacé les inscriptions sur son corps et sur celui de son petit frère. Une manière pour elle d’éloigner la mort ? Un refus de cette réalité horrible ? Un autre court métrage met en scène une adolescente passionnée de danse, montrant son passé de danseuse avant la guerre, des vidéos de spectacles auxquels elle participait, et se terminant par une danse sur le sable, symbolisant la résilience et la persistance de la vie artistique malgré la guerre. Mais également les rêves brisés, et aussi l’espoir de pouvoir continuer un jour. Un autre court métrage montre des adultes qui groupent des enfants et leur apprennent à dessiner et à faire un dessin animé. A travers ce dessin animé, les enfants se racontent, racontent leurs peines et préoccupations. D’autres courts sont plus terre à terre, comme celui qui concerne le recyclage de l’eau, très rare depuis le début de la guerre. Un autre montre un jeune homme qui en 24h s’est retrouvé sous les décombres trois fois, et a pu y survivre, mais a vu des membres de sa famille succomber. Ou cet autre cinéaste, qui raconte sa vie d’avant, son film qu’il avait tourné, qui avait été sélectionné dans un festival et y avait remporté un prix, alors que lui ne pouvait être présent. Il demande pardon au cinéma, « Sorry cinema », en effet, ses préoccupations actuelles ne sont plus des mises en scènes, des claps et des prises de vues, son quotidien est devenu la protection de sa famille, la quête de nourriture et bois pour se réchauffer, pour cuisiner…

Ces divers courts métrages nous montrent la vie à Gaza, les préoccupations des Gazaouis, leur résilience, leurs rêves et leur avenir brisés, mais aussi leur farouche volonté de rester chez eux. Ils l’ont dit, ils ne veulent pas refaire la même erreur qu’en 1948 et fuir. Ils restent là, à Gaza, quoi qu’il arrive. Chaque court métrage apporte son propre point de vue, des histoires poignantes qui révèlent des réalités méconnues et pourtant profondément humaines. Par exemple, l’histoire de la petite fille qui a effacé les inscriptions de son corps et de celui de son petit frère en pleine nuit pour refuser l’idée même de la mort est particulièrement émouvante.

Ground Zero est une œuvre cinématographique d’une profondeur remarquable, qui offre une vision unique et inédite de la vie à Gaza. Chaque court métrage est une fenêtre ouverte sur des réalités que nous ne pouvons pas percevoir à travers les médias traditionnels. La diversité des genres cinématographiques utilisés — fiction, documentaire, animation, expérimental — enrichit l’ensemble, permettant une exploration multi-dimensionnelle des expériences gazaouies.

La qualité des courts métrages est certes très inégale, mais cela ne diminue en rien l’impact émotionnel et narratif de l’ensemble. Au contraire, cette inégalité reflète la réalité brute et complexe de la vie en zone de guerre, où chaque artiste lutte avec des ressources limitées pour raconter son histoire. Certains films se distinguent particulièrement par leur traitement cinématographique abouti, comme celui de l’adolescente danseuse, qui mélange des images d’avant la guerre avec des scènes actuelles, créant un contraste poignant entre l’innocence perdue et la résilience présente.

Ground Zero réussit à capturer l’essence de la vie quotidienne à Gaza, une vie marquée par la peur, la souffrance, mais aussi par l’espoir et la détermination. Le projet souligne l’importance de préserver et de diffuser ces histoires, non seulement pour les Gazaouis eux-mêmes, mais pour le monde entier. En cela, Ground Zero est plus qu’un film, c’est un acte de mémoire et de résistance culturelle, une déclaration puissante de la créativité humaine face à l’adversité.

Ce film est une invitation à voir au-delà des clichés et des stéréotypes, à comprendre les complexités et les nuances de la vie à Gaza. Il nous rappelle que derrière chaque conflit, il y a des histoires humaines qui méritent d’être entendues et respectées. En tant que critique de cinéma, je ne peux que saluer cette initiative audacieuse et nécessaire, qui contribue à enrichir notre compréhension du monde et à promouvoir une culture de paix et de solidarité. Ground Zero est une œuvre incontournable, une leçon de courage et d’humanité que chacun devrait voir.

Sur le générique de fin, des noms connus et d’autres moins connus. Ceux qui ont aidés, par un conseil, par un service, par des fonds… Parmi eux, les tunisiennes Hend Sabry, Dorra Bouchoucha et Lina Chaabane.

Il est à noter qu’il est très fort probable que ces courts-métrages seront programmés dans plussieurs festivals de cinéma, dont les Journées Cinématographiques de Carthage et le Festival International du Film du Caire. A confirmer. 

Le lendemain de cette projection, une rencontre, organisée par Rashid Masharawi et son équipe avec des cinéastes palestiniens et des cinéastes du monde arabe et occidental, a eu lieu sous un tente sur un plage de Cannes. Plusieurs personnalités étaient présentes, des producteurs, des distributeurs, des artistes, parmi eux le célèbre réalisateur Elie Suleiman, les productrices tunisiennes Dorra Bouchoucha et Lina Chaabane, les acteurs tunisiens Dorra Zarrouk, Afef Ben Mahmoud et Mohamed Ali Nahdi.

 

Gaza depuis « Ground Zero », des histoires inédites

 

Présentation du film « Gound Zero » par le réalisateur palestinien Rashid Masharawi

 

La productrice Dorra Bouchoucha, les réalisateurs palestiniens Rashid Masharawi et Elie Suleiman

 

Le réalisateur palestinien Rashid Masharawi et l’actrice tunisienne Doeea Zarrouk

 

Les réalisateurs palestiniens Mai Masri et Rachid Masharawi et la responsable cinéma à l’Institut du Monde Arabe Layane Chawaf

 

Le mardi 21 mai, c’est le Pavillon algérien qui reçoit les palestiniens, de 09h30 18h15, pour une journée de solidarité. Plusieurs projets et initiatives, dont Ground Zero, seront présentés, par plusieurs institutions ou associations, dont l’Institut du Film Palestinien ou le Watermelon Films.

Neïla Driss

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile