La Commission européenne est vivement critiquée pour son soutien financier à la Tunisie, certains députés européens allant jusqu’à l’accuser de « financer des dictateurs ».
La Commission européenne est vivement critiquée pour son soutien financier à la Tunisie, certains députés européens allant jusqu’à l’accuser de « financer des dictateurs ».
Ils affirment que les 150 millions d’euros alloués à la Tunisie l’année dernière dans le cadre d’un accord sur la migration et le développement ont fini directement à la présidence, a rapporté hier, mardi 13 mars 2024, le média britannique « The Guardian ».
Un groupe de députés européens, notamment des membres des commissions des droits de l’homme, de la justice et des affaires étrangères, exprime son inquiétude quant à l’utilisation de ces fonds.
Parmi eux figurent Mounir Satouri, député européen français et membre de la commission des affaires étrangères, ainsi que Karen Melchior, députée européenne danoise et coordinatrice de la commission de la justice. Ils soulignent que cet argent était destiné à des projets convenus avec l’UE mais aurait été détourné vers la présidence.
Ces critiques surviennent alors que des signes d’un « virage autoritaire » en Tunisie se font sentir sous la présidence de Saied, selon certains députés. Pourtant, malgré ces préoccupations, la Commission européenne aurait conclu l’accord de financement.
Certains députés, comme le coordinateur de la commission de la justice, soulignent que les préoccupations du Parlement européen sont constamment ignorées par les commissaires européens, qui refusent de répondre à leurs questions ou de prendre leurs inquiétudes au sérieux. Parmi eux se trouve également Udo Bullman, président de la commission des droits de l’homme.
Les députés appellent à une plus grande transparence dans l’utilisation des fonds européens alloués à la Tunisie et à une meilleure conditionnalité pour garantir qu’ils profitent véritablement au peuple tunisien et à la société civile, plutôt qu’à des intérêts autoritaires.
Ces préoccupations sont amplifiées alors que le mandat de cinq ans du Parlement européen touche à sa fin, les députés européens cherchant à établir des lignes directrices plus strictes pour tout accord futur avec la Tunisie, afin de garantir le respect de la démocratie et des droits de l’homme.
Le Parlement européen invite également la Commission à justifier les raisons pour lesquelles les autorités tunisiennes ont refusé le versement de 60 millions d’euros d’appui budgétaire au titre de la facilité Covid en octobre 2023.
L’histoire des 60 millions d’euros
Cette histoire des 60 millions d’euros a été abordée en octobre dernier par le chef de la diplomatie tunisienne Nabil Ammar. Le ministre des AE avait menacé l’Union européenne « de vérités qui dérangent », précisant bien que la Tunisie a rendu la somme de 60 millions d’euros le 11 octobre 2023, et qu’au cas où les parties européennes publient une autre fois des documents de travail officiels de l’Etat tunisien, notre pays sera contraint de « révéler certaines vérités ».
Le président de la République Kais Saied avait annoncé que la Tunisie a refusé la première tranche d’une enveloppe financière destinée à soutenir le budget de l’Etat, présentée par l’Union européenne, expliquant que le décaissement de cette somme d’argent fait fi du mémorandum d’entente signé entre la Tunisie et la partie européenne et des résultats de la conférence de Rome sur la migration.
Le cas de l’Égypte
D’un autre côté, Sara Prestianni, directrice du plaidoyer pour l’ONG EuroMed Rights, a exprimé son inquiétude quant à une éventuelle répétition d’une « erreur stratégique et politique » avec l’Egypte. Elle a alerté sur le risque que représente le fait que l’UE promette des sommes considérables sans imposer des conditions strictes en matière de surveillance financière et de respect des droits de l’homme. « Ce serait une erreur, surtout si cela [cas de la Tunisie] est reproduit avec l’Égypte, » a-t-elle mis en garde lors d’une déclaration au Guardian.
L’Union européenne envisage de conclure un accord avec l’Égypte, qui inclurait une aide de 7,4 milliards d’euros, principalement sous forme de prêts, en contrepartie de l’engagement du pays à renforcer ses efforts en matière de migration.