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L’art contemporain africain s’invite à Paris

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Maussade, l’automne parisien invite à s’abriter dans les lieux de culture. Pour les amoureux des arts africains, cela tombe plutôt bien, au vu de la profusion d’événements organisés dans la capitale. Trois conseils de visite.

Akaa – Also Known as Africa au Carreau du Temple du 17 au 20 octobre


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Chaque année depuis 9 ans, le Carreau du Temple accueille la foire d’art contemporain africain Akaa (Also Known as Africa) créée et pilotée par Victoria Mann. Pendant quatre jours, visiteurs, collectionneurs, artistes et professionnels peuvent se croiser sous la charpente métallique de cet ancien marché couvert. Plus de quarante exposants, dont 36 galeries, proposent un panorama de la création contemporaine liée, d’une manière ou d’une autre, à l’Afrique.

Diasporas, afro-descendants, Africains du continent : ici, nul besoin de montrer ses papiers ou de décliner ses identités. On vient pour acheter, voir ou exposer ce qui raconte l’Afrique au présent. Cette année, comme en 2023, les habitués noteront une forte présence du corps noir au fil des œuvres. Comme pour réinscrire sa représentation dans l’histoire de l’art, les artistes explorent toutes les formes possibles et imaginables du « black portrait », sans doute portés par les succès critiques et commerciaux de peintres comme la Britannique Lynette Yadom Boakye ou le ghanéen Amoako Boaffo.

Certains allient les couleurs vives des textiles au noir de la peau, à l’instar du Nigérian Sanjo Lawal (galerie This is not a white cube), choisi pour l’affiche de la Foire. D’autres jouent la carte de la revendication, comme l’Ivoirienne Laetitia Ky et ses fameuses sculptures de cheveux (LIS10 gallery). Le Camerounais Sesse Elangwe (193 Gallery), lui, s’éloigne du cliché avec ses acryliques précises représentant des personnages aux yeux difformes qui vous dévisagent avec insistance. Enfin, le pouvoir de la peinture réaliste est encore vivant avec la Franco-Ivoirienne Carine Mansan et ses beaux portraits d’habitants de Grand Bassam (Galerie 110 Véronique Rieffel).

HEADSTART II by Sanjo Lawal 2023 68,58 x 91,44 cm, glycée print, fine art paper, 310g, ED. 2/5. © THIS IS NOT A WHITE
CUBE, Courtesy Sanjo Lawal

Au-delà du « black portrait », certaines propositions attirent le regard, comme la série « Processions » du Camerounais Arnold Fokam (Galerie Christophe Person) : des images en lien avec le monde aquatique et au fort pouvoir onirique, mélangeant mise en scène, sculpture et peinture sur photos. On appréciera aussi la réflexion sur la nature et le végétal proposée par la maison d’art créole Gaston : les fines sculptures en laiton de Florence Gossec y dialoguent avec les acryliques à la limite de l’abstraction d’Alain Joséphine. Quant à ceux qui cherchent des œuvres plus politiques – une espèce devenue plus rare ces dernières années – ils pourront s’intéresser aux photographies d’Aurélie Tiffy sur une communauté queer de Côte d’Ivoire (Galerie 110 Véronique Rieffel).


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Révélation ! Art contemporain du Bénin à la Conciergerie jusqu’au 5 janvier 2025

Quoi de mieux, pour polir l’image de marque d’un pays, que d’utiliser le talent de ses artistes ? Le Bénin, emmené par son président Patrice Talon, l’a bien compris. Depuis 2021 et la restitution par la France des 26 trésors royaux du Royaume d’Abomey conservés au Musée du quai Branly-Jacques Chirac, l’Agence de développement des arts et de la culture (ADAC) n’a de cesse de mettre en avant la création béninoise.


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Lors du retour des œuvres pillées par le général Dodds, le pays a organisé, au Palais de la Marina de Cotonou, une grande exposition diptyque intitulée « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation : trésors royaux et art contemporain du Bénin ». L’idée était de ne pas s’enfermer dans le passé, aussi difficile soit-il, et de montrer la filiation et la vitalité de la création contemporaine dans le pays. Depuis, si les 26 œuvres restituées sont restées en terre béninoise en attendant le musée qui doit les accueillir, la partie contemporaine de l’exposition a voyagé. D’abord au Musée Mohamed VI de Rabat, puis à la Fondation Clément en Martinique. Au total, 120 000 visiteurs furent au rendez-vous.

Depuis le 4 octobre, dans une version un peu différente, elle est visible dans le cadre somptueux de la Conciergerie (ancien palais royal sur l’île de la Cité). S’y retrouvent les œuvres de 42 artistes béninois tels Georges Adéagbo, Julien Sinzogan, Moufouli Bello ou Roméo Mivekannin. « Conçu en trois chapitres -Des déesses et des dieux, Des reines et des rois, Des femmes et des hommes – ce panorama historique et subjectif donne à voir la métamorphose des déesses et des dieux qui animent la pensée vodun, la puissance et de la gloire terrestre de la reine et des rois du Danxomé, avant de s’intéresser aux femmes et aux hommes qui vivent et qui luttent de nos jours dans un monde globalisé », écrivent Marie Lavandier, la présidente du Centre des monuments nationaux et William Codjo, le directeur général de l’Adac.

Moufouli Bello, « Sofia, Irawọ », Collection particulière, 2024. © Giulian Lopez M, Courtesy Moufouli Bello,

L’exposition accorde une attention particulière à Tassi Hangbé, unique reine du royaume de Danxomé, qui serait la fondatrice des agodjié, ce corps d’élite composé de femmes soldats. Plusieurs artistes se sont inspiré de son histoire, mal connue, parfois occultée. C’est le cas de Moufouli Bello (Tassi Hangbé, 2020) mais aussi d’Euloge Hahanhanzo Glèlè (La reine et sa cour). Mais à trop vouloir évoquer les dieux-déesses et les rois-reines, les commissaires Yassine Lassissi et Emmanuel Daydé négligent un peu le chapitre « Des femmes et des hommes », offrant une vision plutôt aseptisée du Bénin contemporain.

Bruce Clarke : Créer au bord du volcan à la Galerie Art-Z jusqu’au 25 novembre

Fils d’exilés politiques sud-africains, confronté très jeune au drame de l’apartheid qui s’invitait jusque dans la petite ville de Rugby où il vivait, enfant, en Angleterre, Bruce Clarke s’est toujours méfié de la peinture. Comme il s’est toujours méfié des médias. Pourtant, « Au bord du volcan » évoque l’actualité dans ce qu’elle a de plus sombre : le génocide des Tutsi, Gaza, la destruction de l’environnement. Couches d’acryliques, aquarelle, papiers découpés, mots piochés dans la presse… Ses toiles à la riche texture forment un palimpseste d’impressions et nous invitent à un moment de réflexion. « Dans un contexte de guerre des images, il fouille ses propres archives photographiques à la recherche d’images auxquelles il donne une seconde vie : il questionne ainsi le rôle du photojournalisme et la prétendue objectivité avec laquelle on entend documenter la réalité », écrit son galeriste Olivier Sultan.

Dans les locaux de la Galerie Art-Z d’Olivier Sultan (27-29, rue Keller à Paris), Bruce Clarke présente plusieurs séries d’oeuvres représentatives de son travail. Ses montages photographiques sont essentiellement consacrés au Rwanda, pays qu’il connaît bien. « Certaines photos sont prises en août 1994, quelques semaines seulement après le génocide des Tutsi, explique-t-il. Pourtant, cette série n’est pas une représentation du Rwanda en août 1994, même si j’y étais pour prendre ces photographies. Aujourd’hui, elles font partie d’un passé recomposé. »

Bruce Clarke démontre aussi sa capacité à se renouveler avec une série de peintures intitulée «Ecce Homo» : en peignant des paysages industriel et des incendies, l’artiste sud-africain crée de puissantes métaphores. « Étymologiquement, en grec, holocauste signifie totalement consumé par le feu, écrit-il. Ce nom commun a pris une majuscule pour nommer la destruction de millions de personnes littéralement réduites en cendres après leur assassinat. Parce qu’il n’en reste rien, cette extermination n’est pas représentable. Comment, dès lors, aborder leur représentation plastique ? J’ai choisi de le faire en travaillant sur des métaphores visuelles. Ainsi, les tableaux d’incendies qui se propagent sur de grandes étendues de forêt, consumant tout sur leur passage, évoquent la mort totale. La fuite pour y échapper est exceptionnelle, miraculeuse, comme elle le fut dans les camps de la mort. »

« Complete Chaos in the Forest » de Bruce Clarke, 2018. © Bruce Clarke

Cette métaphore de l’incendie permet à l’artiste de « donner une signification élargie à l’holocauste ». Non seulement il nous parle des millions de juifs exécutés par les nazis, mais aussi des victimes d’autres génocides – les Hereros, les Arméniens, les Tutsi… Et peut-être aussi d’autres habitants de notre monde : « Les images métaphoriques des incendies sont donc, aussi, des allusions à notre présent. Elles laissent entrevoir l’avenir qui nous attend si l’on n’y prend garde. » Actuellement, Bruce Clarke travaille sur la tragédie en cours à Gaza.

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