M. Zouhaier Maghzaoui, le secrétaire général du « Mouvement du Peuple » (Haraket El-Chaab), constitue l’un des candidats potentiels les plus sérieux dans la course à la présidentielle. En effet, il devrait figurer parmi les individus qui seront présents sur le bulletin de vote le 6 octobre prochain, dans la mesure où il devrait réunir sans aucune difficulté l’une des conditions les plus compliquées à remplir : les parrainages.
Car le « Mouvement du Peuple » bénéficie de représentants au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple et obtiendrait aisément ses 10 signatures (il a douze élus), même s’il souhaite réunir les 10 000 signatures des électeurs exigées par la loi électorale pour « conférer une légitimité populaire à la candidature et de la crédibilité aux élections » dixit Zouhaier Maghzaoui. Celui-ci est optimiste, laissant croire que cela devrait être atteint avant la fin de la semaine actuelle.
Le « Mouvement du Peuple », ayant été l’un des partis les plus favorables au président Kais Saied et au 25 juillet, a changé de direction, comme l’ont laissé comprendre ses principaux dirigeants depuis quelques mois. Si lors des anciennes présidentielles, le parti s’était contenté de soutenir un candidat (en 2019, il a soutenu Safi Said avant de s’orienter au deuxième tour vers Kais Saied), il a décidé, cette fois-ci, de présenter le sien. La première raison de ce revirement réside dans « la conviction du parti que la nature du régime politique nécessite le contrôle de Carthage étant donné que le véritable pouvoir aujourd’hui, et selon la Constitution de 2022, est entre les mains du président de la République », estimant que c’est ce qui motive d’ailleurs toute la classe politique. La deuxième raison réside dans son analyse du mandat de Kais Saied estimant que le mouvement du 25 juillet n’a pas atteint ses objectifs, et considère que le parti est aujourd’hui capable de se présenter en alternative au projet du président en exercice.
En même temps, il déclare se présenter non pas contre Kais Saied, mais contre un concurrent, et qu’il demeure fidèle au mouvement du 25 juillet qui avait répondu à l’époque à une demande populaire, mais aussi politique et à tous ceux qui ont milité en sa faveur. Le Mouvement du Peuple estime que le pays n’a pas évolué et qu’il manque de projet clair au point de considérer Kais Saied comme un leader « don-quichottesque » qui justifierait tout par le « complotisme ». Pourtant, une année auparavant, et plus précisément dans un communiqué du 28 août de l’année dernière, le Mouvement du Peuple a évoqué un sabotage volontaire des institutions de l’État et une mauvaise gestion durant la période d’après le 25 juillet 2021.
Le Mouvement du Peuple se caractérise aussi depuis sa légalisation après 2011 par une « souplesse » extrême dans ses relations avec les partis politiques et le pouvoir politique en place. Traditionnellement, les nationalistes arabes constituent souvent un mouvement politique flirtant tantôt avec le socialisme, tantôt avec l’islamisme au point que Mohamed Brahmi, l’une de ses figures de proue historiques et victime du terrorisme islamiste, avait considéré que le Mouvement du Peuple était infiltré par les islamistes. Et c’est d’ailleurs sa position vis-à-vis de ces mêmes islamistes, avec lesquels il avait refusé de s’allier, qui lui a coûté la vie ! Ceci n’a pas empêché ces mêmes membres du Mouvement du Peuple de participer à une équipe gouvernementale où ils ont côtoyé les islamistes et se sont assis ensemble autour de la même table ! C’est dire qu’il est vraiment compliqué de situer Zouhaier Maghzaoui et sa formation, qui, tel Janus, adopte une position et son contraire…