Publié le 19 octobre 2024
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Deux proches du principal opposant mozambicain, Venancio Mondlane, ont été assassinés samedi 19 octobre. Ce crime a lancé une onde de choc dans le pays, en amont des résultats du scrutin du 9 octobre, que le pouvoir dit avoir remportées, ce que l’opposition conteste, appelant à une grève générale le 21 octobre.
Elvino Dias, l’avocat de Mondlane, préparait un recours dénonçant des fraudes électorales, à soumettre dans un court délai à la plus haute juridiction du pays. Il a été tué à bout portant, ainsi qu’un responsable du parti Podemos, Paulo Guambe, en plein cœur de Maputo.
« Nous confirmons l’assassinat de nos deux membres ce matin », a déclaré Albino Forquilha, le président de Podemos, qui a soutenu la campagne de « Venancio » (comme l’appelle la rue) à la présidentielle. La police a affirmé « enquêter sur cette affaire ».
Les images circulant sur les réseaux sociaux montrent les deux hommes assassinés à l’avant d’une voiture, leurs corps affalés et tâchés de sang visibles depuis les fenêtres brisées. Ils ont été bloqués sur une avenue, dans la nuit du 18 au 19 octobre, par plusieurs véhicules. Deux assaillants ont ouvert le feu, tirant une vingtaine de coups, selon des témoins.
Un « coup clair porté à la démocratie »
Elvino Dias s’était fait connaître l’an dernier en dénonçant déjà des fraudes lors des élections municipales remportées par le parti Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance. L’opposition avait fortement contesté les résultats. L’avocat affirmait, comme nombre d’observateurs, que Venancio Mondlane avait en réalité obtenu la majorité des voix dans la capitale. « Elvino était un avocat astucieux, intrépide, avec la fibre dure d’un combattant », a réagi le site d’information Carta de Mocambique.
Dans une démocratie, « les assassinats à motivation politique n’ont pas leur place », a dénoncé l’Union européenne dans un communiqué, réclamant une enquête « immédiate, approfondie et transparente ». En outre, l’UE appelle à « la plus grande retenue » et juge « essentiel que tous les candidats bénéficient de mesures de protection rigoureuses en cette période post-électorale ».
La Renamo, premier parti d’opposition qui semble avoir été dépassé dans les urnes par Podemos le 9 octobre, a dénoncé la « perte irréparable » et « tragique » de deux citoyens œuvrant pour « l’État de droit ». L’association des juges (AJM) a fait part de sa « profonde indignation ». Integridade, groupe d’observateurs de la société civile, a dénoncé un crime « répugnant », estimant qu’il s’agit d’un « acte d’intimidation » mais aussi d’un « coup clair porté à la démocratie, à la vérité et à la justice électorale ».
Et l’ordre des avocats a partagé son « choc » et son « immense tristesse » : « Nous devons nous élever contre l’impunité et le crime organisé qui ont pris le contrôle des institutions » du pays, ajoute son communiqué. Des dizaines d’avocats, en robe noire pour la plupart, se sont rassemblés dans la matinée près de la scène du crime, applaudissant longuement leur confrère tombé sous les balles. Elvino Dias s’était inquiété récemment sur sa page Facebook d’un plan pour l’assassiner, souligne le communiqué.
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À quelques jours de la publication attendue des résultats définitifs des élections pour désigner le président, le Parlement et dix gouverneurs de provinces, Venancio Mondlane a proclamé sa victoire à la présidentielle et appelé à manifester lundi 21 octobre pour dénoncer la fraude, alors que le Frelimo se dit largement en tête.
Le Mozambique a connu plusieurs assassinats autour des périodes électorales, notamment d’un responsable observateur en 2019 ou d’un journaliste l’an dernier. Mais « là, on s’en prend à des représentants de partis. Il y a une escalade », commente un analyste qui tient à conserver l’anonymat. « C’est un énorme choc », ajoute-t-il, « qui pourrait mobiliser et encourager » la grève générale lundi « ou au contraire intimider » et calmer les velléités de manifester.
(avec AFP)