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Quand Kanye West vole Gábor Presser 

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Publié le 25 novembre 2024

Lecture : 3 minutes.

Musique et plagiats : quand l’Afrique se fait piller ses tubes (8/8) – Dans un noir et blanc saturé, Kanye West apparaît en gros plan. À la troisième minute du clip, le beat martial s’interrompt, le flow énervé du rappeur se mue en une voix de tête et surfe sur des nappes de clavier mélancoliques. Ce pont musical de près d’une minute est un emprunt direct au morceau « Gyöngyhajú Lány », sorti en 1969 et écrit par Gábor Presser, un claviériste de rock hongrois membre du groupe Omega. Le résultat est magnifique, mais n’appartient pas totalement au natif d’Atlanta. S’il est monnaie courante dans l’histoire du rap d’intégrer, de réutiliser voire de remixer des extraits de morceaux existants pour en créer de nouveaux, l’emprunt doit être soumis à une autorisation auprès de l’auteur original, au même titre qu’une reprise. Ce qui n’a pas été le cas du morceau « New Slaves ».


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Kanye West n’a ni prévenu l’intéressé, ni le groupe, ni la maison de disques. En 2013, au moment de préparer la sortie de son sixième album, Yeezus, sur lequel figure le fameux morceau, West gère mal sa stratégie de communication, allant jusqu’à dire que la meilleure des stratégies étant de ne pas en avoir. Pis, alors que le morceau interprété avec Frank Ocean est engagé et dénonce le racisme, le rappeur connaît ses premières frasques antisémites sur fond de complotisme. On saura plus tard où ces dérives le mèneront, jusqu’à affirmer aimer Hitler et adorer les nazis, ou encore à dire que l’esclavage était un choix. Bref, West perd la boussole alors qu’il publie l’un de ses albums les plus ambitieux. Mais sans doute aussi le plus sombre. Une période ambivalente où il emprunte officiellement le pseudo Yeezus ou Ye (Dieu) pour s’affranchir de son nom d’esclave, comme il le répétera lui-même dans la presse.

Vingt-quatre heures pour conclure un accord

De toute évidence, la santé mentale de Ye est en déclin. Mais il doit promouvoir cet album. Le clip « New Slaves » est projeté sur soixante-six bâtiments – un chiffre qui aurait été choisi en référence aux soixante-six livres de la Bible – dans des grandes villes du monde (New York, Paris, Berlin, Londres, Miami, Los Angeles, etc.). Malgré l’exposition, l’artiste original passe à côté du morceau. Il aurait déclaré n’avoir aucune idée de l’utilisation de sa chanson par un autre avant que l’avocat de West ne lui envoie un mail peu de temps après le début de la commercialisation du sample. Dans ce courrier, le rappeur indiquait vouloir « conclure un accord avec [lui] dès que possible », ne lui laissant que vingt-quatre heures pour répondre. Gábor, qui tenait à prendre son temps pour discuter, évoquera plus tard avoir ressenti une « pression temporelle extraordinaire ». Il poursuit alors le rappeur en justice en 2016, réclame un procès devant un jury, un minimum de 2,5 millions de dollars d’indemnités et le remboursement de ses frais de justice.

Huit autres plagiats

« L’accusé Kanye West a en toute connaissance et sciemment exploité la composition du plaignant dans “New Slaves” », indique la plainte déposée auprès d’un tribunal de New York. L’accusé reconnaît les faits, mais refuse de négocier équitablement avec le plaignant. Les avocats de West s’empressent de lui envoyer un chèque de 10 000 dollars d’avance et insistent pour trouver un accord de licence. Mais Presser n’encaissera jamais l’argent. Malin, le chanteur hongrois fait durer l’affaire, flairant le succès du morceau et de l’album. Malgré un démarrage moins bon que celui des précédents opus du rappeur, Yeezus devient disque de platine en un an et demi, et la tournée rapporte gros : plus de 35 millions de dollars. Un mois après le refus d’un juge fédéral de forcer West à prendre l’avion pour assister à la déposition, les deux parties concluent un accord confidentiel, en mars 2017, mettant fin aux accusations de Gábor.


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Au total, l’album ne contiendrait pas moins de huit samples plagiés, sans que l’on sache vraiment si ceux-ci ont été soumis ou non à une autorisation d’exploitation. Parmi eux, « Send It » intègre des extraits du morceau « Memories », écrit par Anthony Moses Davis, Colin York et Lowell Dunbar, interprété par le chanteur jamaïcain Beenie Man. Ou encore « Blood on the Leaves », qui contient un passage de « Strange Fruit » de Nina Simone.

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