Pas simple pour un vieux constructeur européen comme Volkswagen de se transformer en spécialiste de l’électrique et du logiciel. Parti tardivement, comparé à Renault qui a misé sur la Zoé dès 2012, le géant allemand s’est réveillé en 2015 après le scandale des moteurs diesel. En 2016, Herbert Diess, patron de la marque Volkswagen avant qu’il ne prenne les rênes de tout le groupe en 2018, lance le mouvement. Il promet que la marque Volkswagen deviendra leader mondial de l’électrique en 2025 en vendant un million de véhicules zéro émission.À LIRE AUSSI Comment j’ai presque réussi mes vacances en voiture électriqueOn en est aujourd’hui bien loin, tout le groupe Volkswagen ayant écoulé moins de 500 000 unités entièrement électriques en 2023, dont environ 400 000 voitures siglées VW : 223 000 ID.4 et ID.5 et 140 000 ID.3. Les autres modèles sont des Audi (Q4, Q8 e-tron), Skoda, Cupra et Porsche. Cette année, Volkswagen mise aussi sur sa berline ID.7 dans ses différentes versions.
Les galères de Cariad
Avec le logiciel, devenu central dans le véhicule électrique, le géant de Wolfsburg a cumulé les déboires, au travers de Cariad, sa plateforme numérique commune pour toutes les marques du groupe. Les bugs de Cariad ont coûté son poste à Herbert Diess, remplacé par Oliver Blume. Ils ont aussi obligé au report du lancement de plusieurs modèles, notamment de l’Audi Q6 e-tron, et ont entraîné une perte opérationnelle de 2,4 milliards d’euros en 2023. Prévue pour 2026, puis 2028, la nouvelle génération de voitures électriques, baptisée « Trinity » et destinée à faire du deuxième constructeur mondial un Tesla européen, ne débarquera qu’en 2032.
À LIRE AUSSI Volkswagen : le pied sur l’accélérateur dans les batteries électriquesEn outre, Volkswagen a abandonné l’idée de fabriquer avec Renault un véhicule d’entrée de gamme électrique, la Twingo prévue en 2026 au prix d’environ 20 000 euros. Le modèle du constructeur allemand le moins cher est l’ID.3 à partir de 38 000 euros en France, en attendant une Skoda Epiq, un SUV à 25 000 euros l’année prochaine et l’ID.2 en 2026. Selon une étude de Transport & Environnement, Volkswagen risque des milliards d’euros d’amende l’année prochaine s’il n’atteint pas ses objectifs réglementaires de diminution des émissions de CO2, comme le montre ce graphique :
Une société déficitaire
Pour rattraper son retard dans les logiciels et l’électrique, le groupe a finalement abattu une nouvelle carte au début de l’été : une alliance technologique et capitalistique avec le fabricant américain de pick-up et SUV électriques Rivian. Entrée en Bourse en fanfare en 2021 au Nasdaq à 78 dollars l’action, ce « bébé Tesla » a déchanté ces derniers mois, le titre tombant sous les 11 dollars. Rivian n’a vendu que 50 000 véhicules en 2023 et accusé une perte de 5,4 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 4,4 milliards de dollars. Il perdait alors 107 000 dollars sur chaque voiture vendue… Un gouffre financier.
Rivian rêve de rebondir, comme son rival Lucid. Après le SUV R1S et le pick-up R1T – la camionnette électrique de livraison concoctée avec Amazon –, le constructeur américain a présenté le SUV R2, prévu pour fin 2025, en attendant un crossover, le R3. Mais Rivian risquait d’être à court de liquidités d’ici là.
C’est là que Volkswagen a décidé d’intervenir avec un investissement initial de 1 milliard de dollars auxquels s’ajouteront 4 milliards si Rivian atteint certains objectifs financiers et opérationnels. Une moitié de ces 4 milliards sera investie dans le constructeur électrique, l’autre dans une société commune axée sur les logiciels.
« Nous renforçons notre profil technologique et notre compétitivité », se réjouit le président du directoire de Volkswagen, Oliver Blume. Encore faut-il que les modèles Rivian suivent le chemin de Tesla et rencontrent leur public, aux États-Unis, puis dans le reste du monde. Cela reste un coup de poker du groupe allemand. Et comme tous les paris, il n’est pas sûr d’être gagnant.
