Comment arriver à faire des économies dans le budget de la « sécu » ? Michel Barnier est jusqu’à présent resté assez flou sur ce sujet. Sur les 40 milliards d’économies envisagées dans le budget, une part non négligeable doit pourtant venir de la sécurité sociale, en plus des efforts demandés à l’État et aux collectivités territoriales.
Mais une des pistes évoquées par le Premier ministre – à savoir faire contribuer davantage les retraités en ne revalorisant leurs pensions qu’au 1er juillet 2025 et non au 1er janvier – semble déjà avoir du plomb dans l’aile à la suite de divergences politiques sur le sujet. Cet effort rapporterait pourtant 4 milliards d’euros à l’État.
Si la branche « retraite » n’est pas mise à contribution, il faudra donc trouver davantage de gisements d’économies dans la branche « maladie » de la sécu. Les arbitrages seront rendus ce jeudi 10 octobre lors de la présentation par le gouvernement de son Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dont l’enveloppe globale était de 640 milliards d’euros en 2024, dont 250 milliards pour la branche « maladie ». D’ores et déjà, certaines des mesures envisagées montrent que les dépenses de santé vont être fortement mises à contribution.
Hôpitaux et cliniques priés d’être frugaux
Les budgets des hôpitaux – publics et privés – sont fixés par le niveau de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). La décision la plus importante de ce PLFSS est que l’Ondam n’augmentera « que » de 2,8 % en 2025, à peine plus que l’inflation, alors qu’il avait progressé de 3,2 % en 2024, selon des données fournies par l’exécutif à différentes fédérations de santé.
Cela signifie donc que les budgets des hôpitaux publics et privés, qui étaient de 105 milliards d’euros en 2024, vont être contraints. Ce n’est pas non plus le régime sec, mais la fin des années de croissance des budgets post-Covid, qui ont permis d’attirer à nouveau des soignants à l’hôpital, grâce aux revalorisations salariales.
À LIRE AUSSI Santé : les dossiers chauds qui attendent la nouvelle ministreMardi 8 octobre, le président de la Fédération des hôpitaux de France Arnaud Robinet a déclaré que « ce niveau de l’Ondam va empêcher les hôpitaux de faire des investissements, et pénaliser leurs recrutements. Le contexte budgétaire actuel exige un esprit de responsabilité. Mais la santé ne peut être sacrifiée sur l’autel du déficit des caisses de retraite ».
Lamine Gharbi, président de la Fédération des hôpitaux privés (FHP), ne cache pas lui non plus sa colère : « On ne pourra plus soigner les gens, et on ne pourra plus investir. De nombreuses cliniques sont menacées de faillite, avec ces restrictions. On est davantage pénalisé que le public, alors que l’on travaille plus dans le privé, ce n’est pas normal. » L’automne pourrait donc être agité à l’hôpital. Plusieurs associations et grandes fédérations, notamment dans le médico-social, et le privé non lucratif, estiment que la santé est « sacrifiée » avec cette mise au régime sec.
Consultations médicales moins bien remboursées ?
Comment trouver des sous, alors, pour financer également les soins de ville ? Le budget consacré à la médecine de ville ne devrait guère excéder les 108 milliards d’euros. Pourtant, il faut financer la hausse de la consultation de base, qui passera de 26,50 euros à 30 euros au 1er décembre prochain.
Dans ce contexte inflationniste, comment alors faire des économies à la « sécu » ? Le gouvernement planche sur l’idée d’abaisser de 70 % à 60 % le montant des remboursements sécu des consultations médicales, selon Les Échos. La part des complémentaires passerait de 30 % à 40 %. La part « sécu » était jusqu’à présent de 21 euros et la part mutuelle de 9 euros, sur une consultation chez le médecin généraliste à 30 euros. Si le nouveau système était adopté, cela ferait passer la part « sécu » à 18 euros, et la part mutuelle à 12 euros.
« Douze euros, c’est beaucoup à payer pour les gens qui n’ont pas de mutuelles. Et cela va forcément provoquer une hausse du tarif des cotisations des mutuelles », prévoit Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Contacté, le cabinet de Laurent Saint-Martin, ministre du Budget et des Comptes publics, ne commente pas, et renvoie « à la présentation du PLFSS jeudi ».
À LIRE AUSSI Hôpital : pourquoi il manque un millier d’internes cette annéeDe son côté, l’un des dirigeants d’une grande mutuelle donne du crédit à cette piste, car il précise que ses services ont « évalué à 1,2 milliard d’euros les économies que cela ferait faire à l’Assurance maladie, lors d’un échange avec la Direction de la sécurité sociale ». Mais officiellement, ce n’est pas confirmé. Pour mémoire, cette prise en charge à seulement 60 % est déjà la norme dans les soins dentaires depuis l’été 2023.
Une autre piste possible est de faire davantage contribuer tout ou partie des 12 millions de patients en affection longue durée (ALD) – soignés pour des cancers, du diabète, des maladies cardio-vasculaires, etc. –, dont les soins sont pris en charge à 100 %. « Mais politiquement, faire contribuer davantage les malades atteints de pathologies graves, ce n’est pas facile à faire passer dans l’opinion. Même si la réalité des chiffres montre que ce sont les patients en ALD qui pèsent le plus lourd dans les comptes de santé », ajoute un médecin.
Arrêts de travail et transport de malades dans le collimateur
Les dépenses consacrées par l’assurance maladie aux « indemnités journalières » sont dans le collimateur. Michel Barnier a déclaré – après d’autres – qu’il « faut limiter le coût des arrêts de travail » dans une interview à La Tribune dimanche. Malgré de nombreuses campagnes de communication à ce sujet, leur montant a progressé de 8,5 % en 2024, pour s’établir à 16 milliards d’euros.
L’Assurance maladie veut proposer un service « SOS IJ », permettant aux médecins de la saisir « sur les situations complexes d’arrêts de travail ». Une liste de médecins supposés être trop laxistes est en cours d’élaboration… ce qui irrite une bonne partie de la profession qui n’a pas envie d’être « fliquée ».
Une autre piste d’économies concerne les transports de malades, dont la dépense a progressé de 9 % en 2023, pour atteindre le chiffre énorme de 6,4 milliards d’euros. L’ Assurance maladie propose, dans le cadre de ce PLFSS, « un plan d’action afin de vérifier la pertinence des transports ». C’est particulièrement le cas avec les dépenses de taxi. La lutte contre la « fraude sociale » dans ce secteur est affichée comme une priorité. Par ailleurs, les conditions d’accès à l’aide médicale d’État pourraient être durcies.