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les dessous du nouveau dispositif de préretraite de la SNCF

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À la SNCF, quand il s’agit de préserver les retraites, on sait être à l’heure. En 2008, la fin des régimes spéciaux est à peine adoptée que l’entreprise publique dégaine une réforme visant à… l’atténuer.

Ce dispositif, baptisé du doux nom de CAA (pour cessation anticipée d’activité), instaure une sorte de préretraite pour tous, comme un régime spécial qui reviendrait par la fenêtre. Il vient d’être repris, et largement amélioré, devant la menace de grèves à venir, en particulier pendant les JO. Cette fois, la SNCF a fait mieux qu’en 2008 : elle a pris de l’avance.

La date butoir pour actualiser le dispositif était fixée à 2026, mais Jean-Pierre Farandou, le patron du groupe, accélère les manœuvres en février. Les contrôleurs bloquent alors un train sur deux en pleines vacances scolaires. Farandou est tellement décidé à aboutir vite qu’il se montre très généreux avec les syndicats, positivement surpris par tant de sollicitude.

À LIRE AUSSI Cheminots, contrôleurs aériens, RATP… Le grand braquage avant les JODu comptable au conducteur de TGV en horaires décalés, les 145 000 salariés y trouvent chacun leur compte. S’il souhaite bénéficier du dispositif avant sa retraite, n’importe quel cheminot travaillera neuf mois normalement puis restera neuf mois à la maison, ce total de dix-huit mois étant payé à 75 % (sans primes). Il gagnera donc neuf mois de retraite, contre six dans le système précédent.

Compenser la réforme des retraites

Les métiers les plus susceptibles de semer la pagaille dans les trains ont droit à un régime encore plus particulier. C’est le cas des contrôleurs, l’un des 81 métiers dits « pénibles » de la SNCF. Pendant dix- huit mois, ils peuvent continuer à arpenter les trains avec leur salaire plein, puis s’arrêteront dix-huit mois avant la retraite, payés à 75 %. Dans le précédent dispositif, ils ne pouvaient raccrocher « que » douze mois avant la quille, et toute la période de trente-six mois était payée à 75 %.

Ce nouveau régime très spécial de la SNCF pense à tout. Un exemple parmi d’autres : pour compenser l’obligation de travailler plus longtemps, la SNCF a créé un nouvel échelon, qui offre une rémunération supérieure de 4 % environ par rapport à la grille précédente.

Seuls 14 % des cheminots concernés l’utilisent

À la SNCF, on ne comprend pas trop la polémique créée par ce nouveau dispositif. Bien d’autres entreprises, fait-on remarquer, allègent la fin de carrière de leurs salariés en signant de gros chèques, pour financer, par exemple, une rupture conventionnelle. La SNCF, elle, se flatte d’avoir pris en compte la pénibilité, conformément au souhait du gouvernement en 2023.

L’entourage de Farandou rappelle aussi que, depuis 2008, trois réformes des retraites ont reculé l’âge de départ de 55 à 59 ans et sept mois en moyenne aujourd’hui à la SNCF ; il fallait bien adapter le système spécial, utilisé par seulement 14 % des cheminots.

Vers une nouvelle augmentation de salaire

Mais c’est l’existence même du dispositif qui interroge. Il contrecarre l’objectif financier des réformes des retraites alors que l’entreprise dépend largement des deniers publics. En 2020 puis en 2022, l’État, donc le contribuable, a effacé 35 milliards d’euros de dette. « À la SNCF, les réformes de la retraite sont toujours partielles, toujours compensées, mais on ne sait jamais à quel coût ! » peste Pierre-Édouard du Cray, de l’association Sauvegarde Retraites.

L’addition de la réforme 2024 pourrait coûter jusqu’à 300 millions d’euros par an si tous les bénéficiaires potentiels l’activent. Farandou a, en outre, glissé, en bas du texte signé par les quatre organisations syndicales, un codicille qui promet une prochaine augmentation de salaire. Une sorte de digestif, offert par le patron, afin que chaque syndicat signe sans rechigner.


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