Home Finance Les galères du train Intercités Paris-Toulouse, le quotidien de la France enclavée

Les galères du train Intercités Paris-Toulouse, le quotidien de la France enclavée

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En 1967, dans la France de l’avant-TGV, le Capitole était un symbole de modernité. Ce train reliait Paris à Limoges en 2 h 50. Aujourd’hui, cette ligne ferroviaire, qui va jusqu’à Toulouse, existe toujours et fait circuler les vieilles rames Corail. Mais il faut aujourd’hui 3 h 25 pour effectuer le même trajet. En plus d’être devenu plus lent d’une demi-heure, le Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) connaît de fréquents retards. Certains horaires sont parfois même supprimés. Et le nombre quotidien de dessertes est, pour beaucoup d’usagers, insuffisant.

Sur les dix trains Intercités de cette ligne qui partent de Paris chaque jour, seulement cinq passent à Cahors, et seulement trois s’arrêtent à Toulouse. Pour aller à Cahors, vous pouvez aussi prendre le TGV jusqu’à Montauban puis un TER. Cette alternative est un peu moins longue (5 h 29 au lieu de 5 h 49), mais le prix est bien plus élevé. De même, pour rallier Toulouse, il est possible de prendre un TGV direct. Vous mettrez alors 4 h 36 au lieu de 7 h 04, mais vous devrez là aussi débourser bien plus. Reste l’avion pour rejoindre la ville rose, mais là, c’est votre bilan carbone qui explosera.

En plus de compter une clientèle qui n’a pas les moyens de s’offrir le TGV, le Polt rassemble aussi une clientèle d’affaires. Pour celle-ci, les retards fréquents et le manque de fiabilité sont un véritable problème quand il s’agit de se rendre à un rendez-vous d’affaires dans la capitale. Fin 2022, le patron du groupe Legrand, l’une des deux seules entreprises du CAC 40 à ne pas avoir son siège social en Île-de-France (mais à Limoges), avait menacé de l’y transférer si rien n’était fait pour assurer un service de meilleure qualité.

Vieillissement des rails et des rames

Déficitaire sur le plan commercial, le Polt a le statut de train d’équilibre du territoire, c’est-à-dire qu’il est jugé essentiel pour le désenclavement des territoires qu’il traverse. « La Creuse jouit d’une véritable vie culturelle et économique, d’infrastructures routières et de la fibre Internet, défend Valérie Simonnet, présidente du conseil départemental. Le dernier frein à la reconquête d’habitants, ce sont les soucis de la liaison ferroviaire vers Paris et Toulouse. C’est ce qui fait que des gens hésitent encore à s’installer ici trois jours par semaine pour télétravailler. Cette liaison est primordiale dans notre stratégie de redynamisation. »

C’est le vieillissement des rails et des rames qui explique ces problèmes. « La SNCF n’a plus acheté, sur quelque ligne que ce soit, de locomotives voyageurs depuis 1998 », raconte Jean-Noël Boisseleau, vice-président de l’association Urgence Ligne Polt. Certaines locomotives encore en service affichent dix millions de kilomètres au compteur ! « Cela équivaut à une voiture qui a plus de 400 000 kilomètres », traduit celui qui conseille la présidence du département du Lot sur le sujet. Conséquence : les locomotives sont à bout de souffle, elles ont considérablement perdu en force de traction. « Originellement, les trains Corail entre Paris et Toulouse comptaient quatorze voitures chacun. On est passé à sept. »

Des élus interpellent le gouvernement

Seize nouvelles rames Oxygène, construites par l’espagnol CAF, doivent justement permettre de gagner une quinzaine de minutes sur le temps de trajet, pour un coût de 400 millions d’euros. Initialement, leur arrivée était prévue pour 2023. Mais la date a plusieurs fois été repoussée par le constructeur. Il y a une dizaine de jours, le délai a de nouveau été prolongé, cette fois à janvier 2027. « Nous avons demandé à la SNCF de trouver des locomotives de substitution, le temps que les nouvelles arrivent », explique aussi Jean-Noël Boisseleau. Par ailleurs, « nous estimons qu’il faudrait cinq rames de plus », précise-t-il encore.

C’est dans ce contexte qu’une délégation d’élus et de responsables locaux a rencontré, mercredi 22 mai, le ministre des Transports Patrice Vergriete. Parmi les membres de la délégation : le président de la métropole de Limoges, les vice-présidents des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, et les présidents des conseils départementaux de l’Indre et de la Creuse. Ces dirigeants ont demandé au ministre de remplacer les actuelles locomotives au plus vite, sans attendre la livraison des rames Oxygène. Selon le communiqué publié par ces responsables locaux, Patrice Vergriete a annoncé, durant la réunion, avoir convenu avec la société CAF d’un rendez-vous tous les deux mois pour suivre l’avancement de la mise en service des rames.

L’autre problème, ce sont les rails et les caténaires. Ces dernières n’ont pas été changées depuis 1943. « Remplacer un seul kilomètre de rails neufs (traverses et ballasts) coûte 1,3 million d’euros », chiffre Jean-Noël Boisseleau. La voie ferrée (2×2 voies) entre Paris et Toulouse fait 712 km. Pour moderniser les voies, ce sont deux milliards d’euros qui ont été budgétés par le gouvernement. La somme inclut le coût du rehaussement des quais des gares afin qu’ils soient adaptés aux rames Oxygène.

Les travaux sont en cours et « avancent selon le calendrier prévu », constate Serge Rigal, président du département du Lot. Et devraient se terminer en 2027. Mais ils entraîneront une fermeture de la ligne, tous les jours entre fin août 2025 et janvier 2026, de 9 h 30 à 17 heures.


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