C’est l’invité-surprise du Mondial de l’Auto, qui ouvre ses portes ce lundi 14 octobre porte de Versailles à Paris : un avion, un élégant biplace gris, trône en bonne place au stand Renault, tout près de la toute nouvelle R 4 E-Tech Electric. Un voisinage pas vraiment fortuit. L’avion comme l’auto étant électriques, tous deux apportent une pierre à la décarbonation et à l’innovation. C’est ce que Renault a voulu signifier en les rassemblant.
L’Integral E – c’est le nom du biplace – est en effet le premier avion électrique français. Il est fabriqué par une start-up, Aura Aero, dans un vaste hangar placé en bordure de l’aéroport de Francazal, près de Toulouse. Le moteur, INGENEuS, doté d’une batterie, est fourni par Safran, l’avionique et les câblages sont faits maison, tout comme le fuselage, la voilure, et les pièces de carénage entièrement réalisées en bois renforcé de carbone.
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« Une technologie très particulière que nous possédons grâce au rachat en Normandie d’Air Menuiserie, spécialiste réputé du travail du bois pour l’aérien », explique Wilfried Dufaud. Ancien d’une société d’ingénierie, ce dernier a tout lâché en 2018 pour fonder Aura Aero avec Jérémy Caussade et Fabien Raison, deux transfuges d’Airbus. Point commun entre les trois compères : ce sont des fondus d’aviation. À temps perdu, ils avaient participé, en 2013, à l’aventure du collectif qui a traversé la Méditerranée après avoir construit une réplique du fragile Morane-Saulnier avec lequel le légendaire Roland Garros, cent ans plus tôt, avait réalisé l’exploit.
L’Integral E s’apprête à faire ses premiers vols
« En créant Aura Aero, nous avions deux idées au départ, explique Dufaud. Un, décarboner le transport aérien. Deux, construire de plus en plus gros. » Mais, d’abord, il fallait se faire un nom dans la profession. Aussi les trois ingénieurs n’ont pas commencé d’emblée avec un prototype électrique. Pour prouver leur savoir-faire, ils ont préféré mettre au point deux avions plus classiques avec des moteurs à essence purifiée fournis par l’américain Lycoming, basé en Pennsylvanie.
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Le marché visé, tant civil que militaire, est celui des petits coucous utilisés pour la formation des pilotes et les passionnés d’aviation. Deux appareils sont proposés, l’Integral S (pour « school ») consacré à la formation, et l’Integral R (pour « racing ») consacré à la voltige. La différence ? Le second est un peu plus puissant. « Le “S”, c’est pour avoir le permis de voler, détaille Dufaud, et le “R” un permis pour conduite acrobatique. » Une fois obtenue leur certification, en Europe et aux États-Unis, ce qui ne saurait tarder, ces deux appareils, qui ont déjà volé, pourront être livrés.
Une centaine de précommandes
Étape suivante, l’avion électrique : l’Integral E, qui se décline lui aussi en deux versions (« S » et « R »). Ses aptitudes en vol sont légèrement inférieures à celles de ses deux prédécesseurs et son autonomie est bien plus faible, une heure de vol, contre quatre et demie. Mais le « E », lui, n’émet pas de CO2, ne fait aucun bruit et ses coûts de fonctionnement sont sans comparaison.
Les différents biplaces ont la même ossature et sortiront donc de la même chaîne, ce qui permet des économies d’échelle. « On espère produire trente à cinquante appareils par an », prévoit Dufaud. Déjà une bonne centaine d’avions ont été précommandés.
L’Integral E s’apprête à faire ses premiers vols d’essai et pourrait être mis en service dès 2026. D’ici là, Aura Aero aura franchi un nouveau cap : la construction d’un avion régional électrique, l’ERA (Electric Regional Aircraft), qui pourra transporter dix-neuf passagers sur des distances de 1 000 à 1 500 kilomètres. Avec l’ERA, Aura Aero entrera dans une autre dimension. Une nouvelle usine de 40 000 m2 est prévue en bout de piste à Francazal, qui pourrait livrer ses premiers avions en 2029.
Du moins si l’entreprise se muscle financièrement, car les 100 millions d’euros déjà récoltés ne suffiront pas. Bonne nouvelle, Aura Aero vient tout juste d’accueillir un soutien de poids avec l’entrée d’EDF à son capital. Et puis son équipe dirigeante pourra toujours profiter du Salon de l’auto pour recueillir des conseils de management auprès du patron de Renault Luca de Meo…