Home Marketing S’investir dans l’esport en tant que marque : l’exemple d’ALDI

S’investir dans l’esport en tant que marque : l’exemple d’ALDI

0

En janvier 2021, la chaîne de supermarchés ALDI a fait un pari audacieux, celui du sponsoring dans l’esport. En devenant l’un des principaux partenaires de Team Vitality, Solary et de la Ligue Française de League of Legends (LFL), puis plus récemment de Gentle Mates, structure fondée par les youtubeurs Squeezie, Gotaga et Brawks, ALDI poursuivait initialement un double objectif : atteindre la cible 18-34 ans, moins réceptive aux campagnes de communication traditionnelles, et sensibiliser le secteur à la thématique de l’alimentation tout en valorisant ses produits. Un pari qui s’est avéré payant, semble-t-il, tant l’acteur de grande distribution est devenu l’une des marques les plus identifiables dans le milieu, notamment grâce à la co-création de contenus originaux, adaptés et récurrents avec ses partenaires, tels que la Cantine ALDI avec Solary.

Pour BDM, Benjamin Taouss, sponsorship manager chez ALDI France, revient sur la genèse de ce projet, ses bénéfices et livre quelques conseils pour d’autres marques qui envisagent de franchir le pas.

Benjamin Taouss, sponsorship manager chez ALDI France

Après 8 ans dans le marketing sportif, qui lui ont permis de développer de solides compétences dans l’activation et la gestion de partenariats pour des marques de renommée internationale telles que Fiat ou AG2R LA MONDIALE, Benjamin Taouss a rejoint ALDI France en tant que sponsorship manager en 2021. Au quotidien, il pilote notamment la stratégie de sponsoring et le déploiement du plan d’activation.

Pouvez-vous, tout d’abord, me retracer les origines de ces projets de sponsoring dans l’esport ?

Notre pari d’investir dans le sponsoring sportif, et plus particulièrement dans l’esport, remonte au début de l’année 2021. L’année précédente, la plateforme de marque ALDI venait d’être lancée en France. Avant cela, nous n’avions pas vraiment réalisé d’opération de communication qui se destinait au grand public sur le territoire. Cette plateforme de marque, appelée “Place au nouveau consommateur”, incarne un état d’esprit, un choix assumé d’offrir un nouveau modèle de distribution, ainsi que des produits de qualité à un prix abordable. Pour soutenir ce lancement, nous avons lancé une campagne plurimédia importante, comprenant des spots télé et radio, avec un message et une tonalité qui se distinguent de ceux habituellement utilisés par la grande distribution. Mais on s’est rapidement aperçu que nous avions peu de visibilité auprès de la tranche d’âge 18-34 ans, qui n’est pas forcément réceptive à la communication traditionnelle.

À l’époque, le sponsoring sportif nous attirait déjà. Nous avons exploré différentes pistes, conscients que la plupart de nos concurrents étaient déjà établis – et parfois depuis longtemps – dans le sport traditionnel et des disciplines très populaires. Pour se démarquer, ALDI souhaitait faire un choix fort. C’est à ce moment-là que nous nous sommes intéressés à l’esport, qui répondait à nos enjeux sur la cible 18-34 ans tout en souffrant, parallèlement, de nombreux préjugés liés à l’alimentation, la junk food et l’équilibre alimentaire au sens large.

Notre marque n’étant pas directement liée à cet univers, ça nous a permis de travailler notre positionnement et de définir notre mission dans l’esport : mettre le “bien manger” au cœur des prises de parole. Montrer qu’il est assez simple de cuisiner chez soi avec des produits frais, que c’est plus sain et que ça coûte moins cher. Notre démarche visait à être la plus éducative possible.

Pourquoi avoir choisi de travailler spécifiquement avec Team Vitality, Solary et Gentle Mates, trois acteurs de l’esport certes, mais qui touchent différentes audiences ?

En analysant l’écosystème, en 2021, on a distingué deux typologies d’équipes. Celles axées sur la performance, les résultats, la notoriété et la pertinence sportive, comme “Vita”. Ça nous a semblé naturel de s’associer à eux. Avec Solary, on a fait un choix différent, parce qu’on a apprécié leur approche axée sur le streaming et l’entertainment. Ils avaient la volonté de travailler sur la dimension alimentaire et de créer du contenu autour de ça, on y a été sensible. Et ça nous a offert la possibilité de créer une activation très forte avec la Cantine ALDI. En 2021, on avait également signé un partenariat avec la LFL (Ligue Française de League of Legends), que l’on a arrêté depuis, mais qui nous a offert beaucoup de visibilité, chaque semaine, auprès de la scène League of Legends.

Concernant Gentle Mates, on a entamé les discussions quelques mois avant la création de l’équipe. Forcément, Gotaga, Brawks et Squeezie qui décident d’investir pour créer une nouvelle équipe aspirant à atteindre les sommets, on ne pouvait pas laisser passer l’opportunité. Ce partenariat avec Gentle Mates nous permet d’aller toucher des fans qui ne sont pas nécessairement initiés à l’esport. Squeezie, Gotaga et Brawks ont une démarche pédagogique, ils expliquent le déroulement des matchs, comment ce monde-là fonctionne. C’est très intéressant pour attirer de nouveaux fans vers l’esport.

Depuis 2023, on a décidé de se concentrer exclusivement sur les équipes. D’un point de vue marketing, le partenariat avec la LFL était plus difficile à activer. C’est principalement de la visibilité, avec quelques événements physiques. Avec les équipes, il est possible de créer du contenu avec des objectifs précis.

Le positionnement d’ALDI dans l’esport a-t-il été conçu en amont, ou en collaboration avec les équipes sponsorisées ?

Il a été conçu pendant les discussions. ALDI ne voulait pas être perçu comme une marque opportuniste, qui investit dans l’esport parce que ça a bien marché pendant le COVID, qui affiche son logo et attend de voir comment ça se passe. Ce n’était pas comme ça qu’on voulait fonctionner. Nous avons été accompagnés par une agence, avec laquelle nous collaborons toujours aujourd’hui, pour créer un positionnement clair, identifiable. L’objectif était d’éviter de répéter les erreurs d’autres marques, qui sont reparties aussi vite qu’elles étaient arrivées, parce qu’elles n’ont rien proposé aux communautés. Il fallait créer du contenu qui soit attribuable à la marque et à son univers. Par exemple, on a utilisé l’esport pour montrer que nos produits pouvaient servir aux besoins d’athlètes de haut niveau.

Apporter quelque chose aux structures, avoir un positionnement, ça montre qu’on a compris la puissance de cet écosystème et qu’ALDI, en tant que marque, a quelque chose à y apporter.

Quels avantages offrent le sponsoring dans l’esport, par rapport au sponsoring dans le sport traditionnel ?

Le sponsoring dans le sport et dans l’esport fonctionne de la même manière. Ce qui diffère, c’est la créativité : l’esport apporte plus de liberté. La création de contenu fait partie de l’ADN des équipes professionnelles. Les fondateurs de Gentle Mates, par exemple, font partie des plus gros créateurs de contenu en France. Solary était une Web TV avant d’être une équipe. L’idée était de travailler étroitement avec des équipes partenaires pour créer des contenus innovants, authentiques et fun, qui respectent les codes. Pas des contenus de marques publicitaires ou institutionnels.

Dans le marketing sportif, il est parfois difficile d’avoir des concepts d’activation qui sortent de l’ordinaire. Même s’il ne faut pas faire de généralités, certaines équipes réalisent de très bonnes activations avec les marques. Dans l’esport, c’est plus libre, parce qu’une équipe fixe moins de barrières quant à l’utilisation de l’image des joueurs. Même les fondateurs sont très investis. Dans le sport traditionnel, un président de club ne participera jamais à un contenu de marque. Alors que dans l’esport, on active les CEO, les joueurs, le staff…

Comment parvenez-vous à vous imprégner des spécificités culturelles et des codes de l’esport ?

L’enjeu était surtout de convaincre, en interne, de la nécessité de communiquer différemment. Il fallait faire entendre à notre direction que pour réussir dans cet univers, il fallait adopter une approche distincte de celle qu’on propose lors d’opérations destinées au grand public. Mais ils ont rapidement compris que pour exploiter ces partenariats au maximum, la stratégie de communication devait être adaptée, car les fans d’esport ne veulent pas de contenus institutionnels. Ils veulent du contenu léger, qui leur parle, et sentir que les marques comprennent leurs attentes et problématiques. Si l’on ne se plie pas aux codes, la communauté n’adhèrera pas aux contenus, ce sera contre-productif. Alors que l’objectif est de créer, justement, de la préférence de marque auprès des fans des différentes équipes.

Quels indicateurs utilisez-vous pour mesurer le succès de vos investissements dans l’esport ? Avez-vous la sensation d’avoir atteint de nouvelles cibles ?

Depuis le départ, nous suivons attentivement les retombées de nos partenariats. On l’a d’abord fait avec un cabinet, puis avec un prestataire spécialisé dans l’esport qui surveille l’ensemble des retombées liées à nos investissements sponsoring. On effectue un tracking de plein d’items, à la fois quantitatifs tels que les impressions, les vues, le reach, l’équivalence média, et qualitatifs. En interne, le service d’études surveille, au global, l’évolution d’ALDI en termes d’images, et a constaté qu’on progresse régulièrement en matière de notoriété et de préférence de marque. Après, le sponsoring, c’est un travail au long cours. Il ne faut pas espérer avoir des résultats en trois ou six mois. Il faut, au minimum, patienter un an et demi ou deux ans pour obtenir des résultats chiffrés à la fois qualitatif et quantitatif.

Nous avons fait le choix de nous investir dans la durée, en signant des partenariats de trois ans avec les structures.

ALDI s’est associé à trois structures françaises, qui touchent des cibles différentes. © ALDI

Quels conseils donneriez-vous à une marque ou entreprise une souhaitant s’investir sur ce marché ?

Déjà, il faut oser. L’esport peut sembler très nébuleux, beaucoup de personnes vont faire l’amalgame entre un streamer, une équipe d’esport, une LAN… La première chose est de se renseigner sur l’univers, puis d’oser être authentique. Si on essaye de raconter une histoire complètement fausse, les fans ne sont pas dupes. L’idée est de s’imprégner des codes et de proposer des activations en phase avec les attentes des fans. Car ceux-ci sont souvent reconnaissants des investissements des marques partenaires auprès des équipes.

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile