Home Monde A Lagos, un bal queer pour « dire la vérité » de la communauté LGBT et...

A Lagos, un bal queer pour « dire la vérité » de la communauté LGBT et « ne plus se cacher »

0

Body bustier en cuir noir, talons aiguilles et frange violine au-dessus d’yeux abondamment cerclés de khôl, Ashley Okoli arpente avec assurance la scène d’un bal queer de Lagos, bouillonnante capitale économique et culturelle du Nigeria. A 26 ans, elle est la figure de proue d’une communauté LGBT contrainte à la discrétion du fait de la dureté des lois contre l’homosexualité.

Ce soir-là, elle officie comme membre d’un jury devant départager les participants d’un bal organisé en la mémoire de la militante Fola Francis, première femme transgenre à avoir défilé à la Lagos Fashion Week, morte accidentellement en décembre peu avant ses 30 ans. « Monter sur scène n’est pas facile, cela demande beaucoup de courage et de confiance en soi, c’est pourquoi je ne mets jamais une note en dessous de cinq », explique l’artiste, qui assume son homosexualité et ne s’est jamais reconnue dans l’éducation qu’elle a reçue, dans laquelle on lui a appris à « être une épouse, à cuisiner et à nettoyer ».

Au Nigeria, pays très religieux divisé entre un Nord majoritairement musulman, où la loi islamique est appliquée parallèlement au système judiciaire, et un Sud à majorité chrétienne, où l’Eglise garde une influence considérable, l’homosexualité est passible de dix à quatorze ans de prison, selon une loi adoptée en 2014. Dans les faits, cette loi est rarement appliquée, mais elle a légitimé les intimidations et les violences généralisées vis-à-vis de la communauté LGBT. « Beaucoup de personnes queers n’ont pas de domicile, et il est souvent difficile de trouver des moyens de gagner sa vie », rappelle Aaron, 27 ans.

« Les Nigérians sont très résilients, nous trouvons des espaces d’expression partout », confie Uche, 30 ans, fine moustache, longues tresses et combinaison à paillettes. Il est venu interpréter sur scène O (Fly On), de Coldplay, pour rendre hommage à Fola Francis, qu’il a eu le « privilège » de fréquenter « avant et après sa transition ».

Bienveillance

Le bal de ce samedi soir, abrité dans un hangar d’un quartier périphérique de la ville aux 20 millions d’habitants, marque le début du « mois des fiertés » célébrant chaque année, en juin, la défense des droits des LGBT dans le monde. Sur scène, les participants enchaînent les poses et les figures, arborant des costumes empruntant au style « néogoth » – le thème du bal –, mâtinés des apparats festifs traditionnels de la communauté queer – perruques, paillettes et maquillage exubérant.

Le public est galvanisé par la succession de tubes des stars nigérianes de l’afrobeats, comme Ayra Starr, et des incontournables Beyoncé, Kylie Minogue ou encore RuPaul, « drag queen la plus célèbre du monde » qui anime sa propre émission de téléréalité depuis quinze ans. Parmi les catégories en compétition, le voguing, cette danse qui fait tournoyer les mains et les bras autour du visage, née dans les années 1970 aux Etats-Unis dans les clubs queers afro-américains et latinos et popularisée par Madonna avec son titre Vogue.

Bien que la culture de ces bals existe depuis une vingtaine d’années au Nigeria, elle n’est pas encore structurée comme dans d’autres pays, où les « houses » composées d’une « mother », d’un « father » et de « kids » s’affrontent sur scène. « La culture du “ballroom” n’existe pas à proprement parler ici, mais nous essayons de la construire, car cela va au-delà du divertissement, cela veut aussi dire prendre soin des autres et accompagner les jeunes », commente le photographe Daniel Obasi, membre du jury.

L’ambiance est à la bienveillance. C’est ce que viennent chercher les fêtards queers de Lagos : un « endroit sûr » où ils peuvent « dire leur propre vérité », explique Kim, femme transgenre de 27 ans qui affirme n’être « vraiment elle-même » que parmi ses pairs. « Lagos permet de s’habiller comme on veut, d’être créatif », confie la jeune femme aux cheveux courts et en robe noire moulante, qui s’est installée dans la mégapole il y a seulement six mois, après avoir subi « des violences physiques et du harcèlement » dans sa ville du centre du pays, où elle n’a pas pu terminer ses études.

Suivez-nous sur WhatsApp

Restez informés

Recevez l’essentiel de l’actualité africaine sur WhatsApp avec la chaîne du « Monde Afrique »

Rejoindre

Ayo Lawson, 30 ans, coorganisatrice de l’événement, veut donner l’opportunité aux gens « d’être le plus outrancier, le plus flamboyant » possible, dans un espace où ils se sentent « sûrs et célébrés ». « Les gens sous-estiment le privilège que c’est de pouvoir tenir la main de sa petite copine et de l’embrasser dans les lieux publics », constate celle qui se revendique lesbienne et veut multiplier les événements de ce type pour « ne plus se cacher et assumer d’être ouvertement queer et fier ».

Le Monde avec AFP

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile