Le président William Ruto a nommé, mercredi 24 juillet, quatre figures de l’opposition dans son « gouvernement élargi », composé pour tenter d’apaiser la contestation qui secoue le Kenya depuis plus d’un mois et a donné lieu à des manifestations meurtrières.
Ces quatre personnalités, toutes membres du Mouvement démocratique orange (ODM), le parti de l’opposant historique Raila Odinga, sont John Mbadi (finances), James Opiyo Wandayi (énergie et pétrole), Hassan Ali Joho (mines et économie de la mer) et Wycliffe Oparanya (développement des coopératives et des PME). Ils figurent parmi une liste de dix noms annoncés mercredi par le chef de l’Etat et venant s’ajouter à dix autres déjà soumis au Parlement pour approbation.
La nomination de ces quatre proches de Raila Odinga vient fissurer la coalition d’opposition Azimio, dont l’un des leaders, Musyoka Kalonzo, avait annoncé vendredi qu’elle ne participerait ni ne soutiendrait le « gouvernement élargi » voulu par le président. « A luta continua » (la lutte continue), a réagi sur le réseau social X une autre figure d’Azimio, Martha Karua, colistière de Raila Odinga pour la présidentielle de 2022 perdue face à William Ruto.
Le 11 juillet, le chef de l’Etat avait limogé le gouvernement – à l’exception du ministre des affaires étrangères, Musalia Mudavadi – en réponse au puissant mouvement de contestation déclenché par le projet de budget 2024-2025 instaurant de nouvelles taxes, qu’il a finalement retiré. Cette mobilisation lancée hors de tout cadre politique par des représentants de la jeunesse avait viré au chaos, le 25 juin, lorsque des manifestants avaient brièvement pris d’assaut le Parlement. La police avait alors tiré à balles réelles. Depuis le début des manifestations, au moins 50 personnes ont été tuées, selon la Commission nationale des droits humains du Kenya (KNCHR).
« Un partenariat visionnaire »
« Je félicite les dirigeants des diverses organisations, tant dans les secteurs public que privé, y compris les partis politiques, pour leur réponse encourageante à ma démarche de consultation sur la formation d’un gouvernement élargi, a déclaré William Ruto. Leur volonté de mettre de côté les positions et les intérêts partisans afin de rejoindre un partenariat visionnaire pour la transformation radicale du Kenya est un témoignage historique de leur patriotisme. »
La moitié des vingt ministres nommés depuis vendredi figuraient dans le précédent gouvernement. Un seul poste reste à pourvoir, celui de ministre de la justice, initialement attribué à Rebecca Miano, qui a été réaffectée au tourisme et à la faune.
Malgré l’annonce du retrait du projet de budget et la composition d’un nouveau gouvernement, des centaines de manifestants continuent de se rassembler chaque semaine pour demander le départ du président. Le projet de budget a catalysé un mécontentement latent contre le chef de l’Etat, élu en août 2022 sur la promesse de défendre les plus modestes, mais qui a depuis accru la pression fiscale sur la population.
Après le retrait du projet de budget, William Ruto a annoncé une hausse des emprunts d’environ 1,2 milliard d’euros (169 milliards de shillings) et une baisse des dépenses de l’ordre de 1,3 milliard d’euros. La dette publique du Kenya, locomotive économique d’Afrique de l’Est, s’élève à environ 71 milliards d’euros, soit environ 70 % du PIB. Le budget 2024-2025 prévoyait 29 milliards d’euros de dépenses – un record –, financées par une hausse de la taxe sur le pain initialement, puis sur les carburants dans une deuxième version.