Home Monde Au Kenya, les multiples bienfaits de la fabrication de médicaments

Au Kenya, les multiples bienfaits de la fabrication de médicaments

0

Dans sa boutique du quartier de Kileleshwa, à Nairobi, Anthony Kimani vend de la lessive, du lait, des lames de rasoir, des gâteaux… et des médicaments. Les boîtes se trouvent sur la troisième étagère en partant du bas. Ce sont surtout des antidouleurs vendus à la pièce. « Je ne vends que les produits les plus courants : du Panadol, du Kaluma, du Mara Moja… », détaille le commerçant. Il dépose sur son comptoir deux sachets de Mara Moja conditionnés dans des emballages rouges. « Kama umeme », promet la boîte. Littéralement : « comme l’électricité », en kiswahili. Comprendre par là que le médicament chasse la douleur aussi vite que l’éclair. Vendu 15 shillings kényans l’unité (0,11 euro), il est produit par la société Beta Healthcare.

Comme cet antidouleur, 30 % des médicaments consommés au Kenya sont fabriqués localement, selon un rapport de la Fédération des fabricants de produits pharmaceutiques d’Afrique de l’Est (FEAPM) datant de 2019. Plusieurs compagnies, comme Dawa, Cosmos ou Regal, y confectionnent des analgésiques, des antibiotiques, des antifongiques, des antitussifs ou des traitements contre le diabète. « La fabrication à échelle locale de médicaments a un fort impact positif sur le développement économique et la santé publique », juge la FEAPM. D’autres pays, comme le Burundi, importent 99 % des médicaments consommés sur leur sol.

Juliette Odhiambo, une pharmacienne d’une trentaine d’années, considère que produire localement est « une aubaine ». Elle travaille dans une officine aux rayonnages immaculés dans le quartier de Kilimani, au centre de Nairobi. Tout autour, ce sont des immeubles de bureaux, des centres commerciaux et des stations-service. La pharmacie qui l’emploie se trouve au rez-de-chaussée d’un building accolé à un supermarché.

Cet après-midi-là, une jeune femme achète du sirop contre la toux pour une amie, sans trop savoir la nature de la maladie. « Toux grasse ou sèche ? », interroge la pharmacienne en poussant deux sirops sur le comptoir. La cliente repart avec l’un d’eux. « La plupart des médicaments kényans que l’on vend sont du sirop contre la toux, des antidouleurs et des vitamines, dit Juliette Odhiambo. Produire des médicaments ici a des effets positifs, c’est certain. En produire plus serait une bonne chose parce qu’ils sont moins chers. Ceux qui sont importés sont onéreux à cause du transport. En plus, ils mettent davantage de temps à arriver et peuvent s’abîmer facilement. »

Bientôt des vaccins ?

Selon la pharmacienne, la production locale permet une chose toute bête en apparence mais d’une grande importance : l’étiquetage en kiswahili. « Les notices des médicaments venus de l’étranger sont rédigées uniquement en anglais, parfois aussi dans d’autres langues comme le français, l’allemand ou le néerlandais, mais cela ne sert à rien ici. » Le risque est grand pour les personnes maîtrisant mal l’anglais de se tromper en s’administrant les médicaments prescrits. Juliette Odhiambo sort une boîte d’antibiotiques et montre une minuscule gélule bicolore. « Cet antibiotique se prend quand on a une plaie ouverte. Cela se boit avec un verre d’eau, mais il peut arriver que des personnes versent la poudre qu’il contient directement sur la blessure… »

La production pharmaceutique locale aurait aussi un effet positif sur l’emploi. « La plupart des emplois créés procurent des revenus décents et s’exercent dans des conditions de travail sûres », note la FEAPM dans son rapport de 2019. L’industrie pharmaceutique offrirait des possibilités « autant pour les travailleurs qualifiés que pour ceux qui ne le sont pas ». Parmi le type d’emplois générés, des postes d’ingénieurs et de manutentionnaires. D’autres secteurs, comme l’agriculture, bénéficieraient d’un effet de levier, la culture de plantes comme l’artémisinine étant nécessaire dans le traitement contre le paludisme.

« Cela attirera aussi les investisseurs, estime Nick Bertrand Ntahokaja, expert en stratégie pharmaceutique et économique. Le Kenya compte de nombreuses personnes qualifiées. La science et la connaissance sont là. Ce sont des choses que recherchent les entreprises qui veulent investir. » Le pays ne produit pas encore de vaccins, « mais il pourrait peut-être s’y mettre d’ici à quatre ou cinq ans », poursuit-il.

En avril 2024, le Benylin Paediatric, un médicament contre la toux destiné aux enfants, a été retiré des pharmacies kényanes après une alerte du Pharmacy and Poisons Board, l’agence de contrôle du médicament. L’institution, avertie par son homologue nigériane, avait relevé un niveau d’impureté plus élevé que prévu du diéthylène glycol, une substance incriminée dans la mort de plusieurs enfants en Gambie et au Cameroun par le passé. Le médicament était produit en Afrique du Sud. Dans sa pharmacie, au milieu des sirops et des boîtes de vitamines, Juliette Odhiambo veut y voir un signe positif : « Cela signifie que les contrôles dans notre pays sont efficaces. C’est une bonne chose. »

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds mondial.

Réutiliser ce contenu

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile